J’étais absente de ce lieu virtuel car occupée à des questions réelles. Je reviens maintenant à vous avec ces quelques réflexions, poussée par les événements politiques actuels, et surtout sur l’incroyable mobilisations citoyenne qui est en train de se passer ces derniers jours dans mon pays, l’Italie, celle des 6000 Sardines.
Tout d’abord, le nom. Pourquoi les Sardines ? me demandent mes amis (en rigolant)… Puisque je n’en suis pas à l’origine, je vais ici répéter l’explication donnée par les jeunes promoteurs qui, la veille du premier rassemblement à Bologne le 14 novembre, espéraient compter dans la place publique plein de gens (au moins 6000), serrées comme des sardines dans les boîtes, pour répondre à Salvini qui avait déclaré vouloir « libérer la région Emilia Romagne de la gauche ». La réponse a été autant surprenante que inattendue car le 14 novembre à Bologne, ce ne sont pas 6.000, mais 15.000 les personnes qui, entassées comme des sardines, ont rempli la Piazza Maggiore. Et, encore plus imprévue a été l’adhésion de la majorité des villes italiennes à l’initiative, avec des rassemblements spontanés et pacifiques de milliers de gens dans les places publiques.
S’il est vrai que les sardines sont des poissons petits, humbles, silencieux et aussi « pauvres » (c’était parfois ce qui constituait le sobre déjeuner de mon grand-père paysan, une sardine avec du pain, sous un arbre), il faut pourtant savoir que ensemble, elles deviennent une masse qui s’érige contre qui, par l’arrogance et la force brute, veut ramener les gens à l’esclavage et l’ignorance. En un mot, l’Italie au fascisme. Mais pas que l’Italie.
Pas de frontières en mer ouverte
« Il est clair que la pensée agace, même si celui qui pense est silencieux comme un poisson. En effet, c’est un poisson. Et en tant que poisson, il est difficile de le bloquer, car la mer le protège. Que la mer est profonde… ” récite le dernier paragraphe du manifeste des Sardines, en citant la sublime chanson « Com’è profondo il mare » du regretté Lucio Dalla, lui aussi de Bologne :-).
Oui la mer est profonde, et aussi, comme le savent tous les bateaux de migrants qui la traversent à la recherche de la liberté, en mer ouverte, en pleine mer, sous la mer, il n’y a pas de frontières visibles, sauf celles dessinées sur la carte. Et, comme les (vraies) sardines et le restant des habitants de la mer et des océans, je veux croire que les (nouvelles) sardines puissent bouger en liberté. « Vous êtes allé trop loin de vos eaux troubles et de votre havre de sécurité, elles disent s’adressant aux populistes. Nous sommes des sardines libres, et maintenant vous nous trouverez partout. Bienvenue en pleine mer. »
C’est par cette liberté retrouvée, celle de traverser et de se moquer des frontières inutiles dessinées par des hommes désormais incapables de nager ou de voler, ou de vivre simplement pour le bonheur de vivre, pour la beauté, la non-violence, la créativité et l’écoute, qu’il est important que les sardines dépassent les nations et se reconnaissent dans les places publiques partout sur la planète. Car ces valeurs sont communes à l’humanité entière, et c’est bien cette humanité lasse des violations des droits humains élémentaires que l’on voit descendre aujourd’hui dans les rues à Hong Kong, Santiago, Bagdad, Alger, Khartoum, Barcelone, Athènes et ailleurs, en défiant la violence policière et en mettant leur vie en péril.
En ce qui me concerne, je serai parmi les Sardines à Paris ce 14 décembre. Sans peur, avec enthousiasme et allegria mais surtout avec l’espoir que les valeurs de non-violence et de paix, et pourquoi pas aussi de la joie de vivre et de l’innocence que je lis dans les visages de ces jeunes en Italie et des ces gens partout sur la planète, soient finalement respectées et honorées par nous tous.
Pour en savoir plus, je vous invite à vous rendre sur la page Facebook Sardine a Parigi, où vous trouverez entre autres, la charte et le manifeste traduits en français.