Et si nous laissions les portes de nos classes ouvertes ?

« Qu’est ce que vous reprochez
à l’Education nationale lorsque vous dites qu’on vous empêche d’apporter du nouveau dans les contenus et dans votre
manière d’enseigner ? » c’est une des questions que je pose souvent aux
enseignants qui viennent dans mes stages chercher un « souffle nouveau »,
comme ils le disent.

Les réponses se ressemblent.  Elles sont souvent des plaintes, parfois des
cris de désespoir, toutes expriment le besoin d’être écoutés, entendus :
« trop de lourdeur administrative, les programmes sont trop chargés, j’ai
les parents, le directeur, le proviseur, l’inspecteur sur le dos, je ne peux rien innover,… bien que… ».
« ? »


« …bien que, il faut quand
même le dire, une fois la porte de la classe fermée, nous sommes libres du point de vue
pédagogique» ajoute une enseignante avec un grand sourire « c’est
même écrit sur la loi ! »

Il y a donc une loi qui nous parle
de liberté!


Je cours ainsi
relire ce que dit l’article L912-1-1 du
Code de l’éducation à ce sujet: « La liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des
programmes et des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et
dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le
contrôle des membres des corps d’inspection…. ».

(Entre parenthèses, ce que la loi ne me dit
pas, c’est qu’est ce qu’on entend par liberté pédagogique, chacun pouvant
l’accommoder à sa propre vision de l’éducation et son effective application, la
mienne étant attachée au sens profond de l’éducation et de l’école, ainsi qu’aux
interactions entre le maître et les élèves et entre les élèves eux-mêmes, entre
autres, mais ça c’est une autre histoire.
..).

Ce qui
m’importe ici c’est plutôt d’interroger la question de l’exercice de cette
liberté, une « liberté qui ne se donne pas, elle se prend », comme le
disait le poète.
Si donc la
liberté ne se donne pas (même pas par
un article de loi), mais elle se prend
(parce que déjà là), qu’attendons-nous donc pour devenir les êtres libres que
nous sommes déjà ? (par « nous », j’entends les profs, les
enseignants qui en ont ras-le-bol du système, les maîtres clandestins et
invisibles qui innovent « une fois la porte de la classe fermée »,
nous, les humains …)
Qu’attendons-nous
donc pour arrêter de donner la faute à l’Autre, cet Autre qui est le système en
entier, inamovible, éléphantesque, écrasant… cet Autre qui est nous ?!

Et si nous
arrêtions de râler, pour paraphraser le titre d’un livre à succès, et nous
commencions par l’exercer, cette chère liberté pédagogique ?


Et si nous
laissions, une fois pour toutes, la porte de la classe ouverte ?

Ce serait nous
lancer dans un processus nouveau (et sans – retour, c’est la bonne nouvelle) de conscientisation, difficile mais à la portée des « évolutionnaires »
que nous sommes, une succession de défis et d’épreuves telles que : reconnaître
sa propre peur (du système, de l’autre, des autres…) pour s’en dégager, ne
plus voir l’autre comme un ennemi, connaître ses droits et ses devoirs de
liberté, d’enseignants bien sûr, mais d’êtres humains d’abord…
Ce serait, comme
le disait si bien Christiane Singer, sortir de « ces chambres mortuaires
où s’essoufflent nos vies corsetées dans la norme, toutes occupées à ne pas
fleurir, à ne pas rayonner, à ne pas dépasser les limites du possible et de
l’impossible…».                    
Alors, on y va ?

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