Un article sur Le Nouvel Observateur

Le guide des écoles « différentes »

Créé le 25-09-2012 à 17h25 – Mis à jour le 26-09-2012 à 16h41

Un panorama réjouissant de ces écoles où les enfants ont le droit de rêver, d’expérimenter, de choisir et… même de  se tromper.

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Non,le classement, la notation et la compétition ne sont pas des fatalités scolaires. SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA

Non,le classement, la notation et la compétition ne sont pas des fatalités scolaires. SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA

A l’heure où l’Education nationale planche sur la refondation de l’école, on ne peut que lui suggérer de chausser ses bésicles pour lire Ces écoles qui rendent nos enfants heureux, aujourd’hui en librairie. Ce petit guide réalisé par Antonella Verdiani, docteure en sciences de l’éducation, examine en effet plusieurs exemples français et mondiaux d’écoles dites « nouvelles » ou « alternatives ». Lesquelles, pour la plupart, ne sont pas tellement nouvelles et ne devraient plus être alternatives en 2012.
Car ces établissements qui ont « du sens » s’appuient surtout… sur du bon sens. Que disent ces adeptes des pédagogies Montessori, Freinet, Living School, ces partisans de l’Education lente ? Une vérité quasi inaudible au pays de Jules Ferry : une classe accueille  des personnes avant d’accueillir des élèves. Des personnes avec des goûts spécifiques, des dispositions, un rythme à soi, des phobies, des lacunes… Bref des identités à part entière, ignorées – sinon piétinées – par une institution verrouillée par le classement, la notation, la sélection et la compétition. Autant de marottes qui conduisent naturellement à l’exclusion des plus fragiles, des moins scolaires, qui sont aussi souvent les plus modestes. Autrement dit, une machine à fabriquer des cancres.

Cultiver le « trésor intérieur »

Dans les écoles listées par Antonella Verdiani, les enfants travaillent en groupe plutôt qu’en rivalité, apprennent à leur rythme, s’auto-évaluent plutôt que de passer dans les « grilles » imaginées en haut lieu, donnent leur avis et se lèvent en classe pour chercher des feuilles quand ils en ont besoin. Ils pratiquent aussi la non-violence, le jardinage ou le recyclage au même titre que l’algèbre ou la grammaire. N’apprennent pas par cœur les strophes de Maurice Carême, mais imaginent les leurs. Ne gribouillent pas des faux Paul Klee, mais dessinent ce qui leur passe par la tête – et même ne dessinent rien si rien ne leur passe par la tête. Ces pédagogies douces, à l’écoute, qui s’efforcent de cultiver le « trésor intérieur », ce potentiel qui sommeille en chacun plutôt que d’imposer à tous les mêmes horizons.
On entend d’ici les doutes : est-il bien envisageable d’imposer aux 15,2 millions d’écoliers,  collégiens, lycéens et étudiants hexagonaux une école onéreuse, pensée pour une poignée de rejetons venus le plus souvent de familles favorisées ? C’est oublier ce que rappelle Antonella Verdiani : que ce que nous nommons « pédagogie alternative » est, à peu de choses près, l’ordinaire pour les petits Scandinaves – champions du monde dans les classements scolaires mondiaux.


 Antonella Verdiani, Ces écoles qui rendent nos enfants heureux, Actes Sud, 188 p., 22 euros  

Interview sur Terrafemina.com

L’école autrement : 

les pédagogies du bonheur expliquées par Antonella Verdiani

Docteur en sciences de l’éducation, Antonella Verdiani signe Ces écoles qui rendent nos enfants heureux, en librairie le 26 septembre. Elle y décrit les « pédagogies et méthodes pour éduquer à la joie » qu’elle a pu observer en France mais aussi ailleurs dans le monde, notamment lors de sa mission de responsable des questions d’éducation pour l’UNESCO. Un ouvrage précis et argumenté qui explique les différentes pédagogies alternatives existantes et leurs valeurs. Entretien.

L'école autrement : les pédagogies du bonheur expliquées par Antonella Verdiani 

Terrafemina : Que peut-on reprocher au système d’éducation traditionnel français ?

Antonella Verdiani : Tout d’abord, il est bien trop rigide. Il n’y a pas assez de passerelles entre les matières… Et l’apprentissage par cœur est au centre du système, sans laisser à l’enfant l’occasion de s’exprimer. La discipline seule ne sert à rien ; c’est la discipline dans la joie qui peut faire avancer. Le système italien par exemple, celui que j’ai connu enfant, est beaucoup plus basé sur l’oral ; en philosophie, tous les cours étaient parlés.

Tf : Comment penser l’évaluation scolaire sans système de notation ?

A. V : Toute l’école traditionnelle est basée sur la compétition, qu’entraîne le système de notation. Et on en oublie la coopération. C’est comme le capitalisme. Avec la méthode du Libre Progrès, les enfants s’auto-évaluent, et c’est beaucoup plus positif. 

Tf : Dans les différentes écoles alternatives que vous évoquez dans votre livre, quels sont les éléments pédagogiques qui « rendent les enfants heureux » ?

A. V : Tout d’abord, l’enfant est mis au cœur de l’enseignement, et tout est fondé sur la liberté. La liberté pour l’enfant de s’exprimer à l’oral, mais aussi physiquement ; il n’est pas obligé de rester assis par exemple. Dans ces méthodes, on donne également de l’importance au corps, il y a un équilibre entre le développement mental et physique. Sans pour autant aborder la religion, ces pédagogies alternatives sont ouvertes à la dimension existentielle de la vie ; on n’aura pas peur d’aborder la question de la mort par exemple, face à un enfant qui perd un proche. La place est laissée aux émotions, contrairement à l’école traditionnelle où il ne faut pas pleurer ou trop rire.

Tf : Quelle expérience personnelle avez-vous de l’école, en tant qu’ancienne élève et mère ?

A. V : Moi j’ai suivi mon cursus en Italie, qui était déjà beaucoup influencé par le système Montessori. Avec mes enfants, j’ai eu l’occasion grâce à leurs choix de voir différentes méthodes : mon premier est allé dans une école publique à Paris, le deuxième dans une école nouvelle, au fonctionnement très proche du système Freinet, et la troisième à l’école alternative de Brockwood Park en Angleterre.

Tf : D’après vous, comment vont évoluer les systèmes d’éducation alternatifs qui existent actuellement ?

A. V : On en est au début, mais il y a déjà beaucoup d’expériences qui se font dans le domaine des pédagogies alternatives, et également au niveau de l’université. Le problème, c’est peut-être que ces initiatives sont trop isolées.

Tf : Comment voyez-vous l’école du futur en France ?

A. V : J’espère que la réforme de l’école par le gouvernement qui est en cours ira dans ce sens-là… Je suis confiante, il y a quelques représentants des écoles alternatives parmi les experts qui réfléchissent à la réforme. On verra ce que ça donnera…

« Ces écoles qui rendent nos enfants heureux », Antonella Verdiani, éditions Actes Sud – Domaine du possible, 22€. 


Crédit photo : Fanny Dion
Retrouvez notre dossier spécial consacré à l’Ecole autrement.

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L’école autrement : 

Living School, école du savoir être

Il n’y a pas que les maths et la géo dans la vie, et pour absorber compétences et connaissances, Living School (Paris, XIXe) mise plutôt sur la confiance en soi et l’épanouissement. Une école primaire bilingue et écocitoyenne qui a fait ses preuves. Comment ça marche ?

L’école autrement : Living School, école du savoir être


Dans les classes de Living School, on ne va pas au coin quand on a volé la gomme du voisin : on fait un exercice de respiration et on calme son crocodile –comprenez sa colère-, seul, au calme, ou en déversant sa rage sur un punching-ball. Caroline Sost, ex-responsable RH dans un grand groupe, s’est reconvertie en 2007, pour monter un projet qui lui ressemble. C’est un master pour le développement du leadership éthique qui lui a mis la puce à l’oreille. « Cette formation s’adresse aux cadres dirigeants qui veulent combiner performance et sens, épanouissement et responsabilité », explique Caroline Sost. Une prise de conscience globale s’opère en elle, sur l’état de la société, des entreprises, du monde. Elle y découvre aussi la psychologie d’évolution et le concept de savoir être : «  cette discipline nous enseigne que nos qualités, nos défauts, nos croyances et notre personnalité ont un impact sur nos savoir-faires ». Concrètement, tout comme un manager mal dans sa peau peine à insuffler de l’énergie à son équipe, un prof qui n’a pas confiance en lui ne peut pas aider un enfant à s’épanouir. Tout se tient. Elle décide de s’investir dans un projet éducatif.


Les notes remplacées par l’auto-évaluationAprès avoir fait le tour des méthodes pédagogiques et des écoles alternatives, Caroline Sost ne trouve pas le concept qui la botte. Qu’à cela ne tienne, elle décide de monter sa propre école. Objectif : mettre en place un programme épanouissant pour donner confiance à chaque enfant. L’envie d’apprendre et de créer doit découler naturellement de cette émulation. « Chaque enfant a un énorme potentiel créatif, on ne part pas des lacunes, mais des réussites », explique la fondatrice de l’école. En effet, le système de notes est aboli, on progresse par ceintures de couleur : l’enfant quand il se sent prêt peut décider de passer sa ceinture bleue dans une matière, il va alors s’auto-évaluer. S’il réussit, il se met à découvrir les compétences suivantes pour passer la ceinture suivante. S’il échoue, il revoit les points bloquants et peut repasser sa ceinture à tout moment. « Nous sommes contre les notes qui créent de la compétition et un rapport tordu à la connaissance », justifie Caroline Sost. Ici, on fête plutôt les succès dans un « cahier de réussites » ; une éthique qui va dans le sens de bon nombre de recommandations récentes pour une réforme de l’écolePlus d’encouragements, moins de sanctions. Ce credo ambitieux et idyllique émane de l’expérience personnelle de Caroline Sost : « je pense qu’il faut reprendre notre système scolaire à la base. Les standards où j’ai étudié, prépas et grandes écoles, m’ont appris à être une bonne exécutante, à obéir à mes boss, mais pas du tout à être créative et à répondre aux enjeux relationnels et humains de cette société ».
living school défoulement
Séance de défoulement pour un élève de Living School


150 écoles en 20 ansConfiance en soi, esprit critique, gestion de sa relation aux autres, mais aussi écocitoyenneté et anglais, font partie intégrante du programme de l’école élémentaire Living School. « Les enfants apprennent à analyser leurs émotions et leur agressivité, ils sont plus matures et capables de dire ce qu’ils ressentent », au point parfois de canaliser leurs professeurs emportés par leur « crocodile »… Ceux-ci reçoivent d’ailleurs, en plus de la formation classique, une formation « savoir être et éducation », destinée à s’étendre au plus grand nombre, pour diffuser la bonne parole. Seul point noir, Living School est agrémentée par l’Etat mais ne dispose pas encore du contrat qui lui permettrait de se décharger d’une partie des salaires. Réservée, donc, aux familles CSP+, mais plus pour longtemps, promet Caroline Sost, qui projette d’ouvrir 150 Living School en 20 ans. Une « masse critique nécessaire » pour faire bouger la société.


Vidéo de présentation Living School


Plus d’infos sur livingschool.fr
… et aussi dans mon livre qui sort demain, le 26 septembre 2012 : 
Antonella Verdiani Ces écoles qui rendent nos enfants heureux, Actes Sud
Article publié par : www.terrafemina.com