Pour une enfance heureuse

Un livre fondamental pour comprendre les mécanismes cérébraux, mais surtout pour apprendre quelles sont les conséquences de la VEO, la Violence éducative ordinaire sur les enfants et les futurs adultes…A lire et relire! 
par Catherine Gueguen, pédiatre
Des découvertes récentes sur le développement du cerveau bouleversent notre compréhension de l’enfant quant à ses besoins affectifs essentiels pour devenir 
un être humain épanoui.

Qu’est-ce qui favorise le bon développement de l’être humain ? Les progrès réalisés ces dix dernières années dans la connaissance du cerveau affectif de l’enfant sont considérables et nous permettent de mieux répondre à cette question.
Ces découvertes scientifiques vont toutes dans le même sens, modifient notre compréhension de l’enfant et nos idées préconçues sur une bonne éducation : une relation « idéale », empathique, soutenante, aimante se révèle la condition fondamentale pour permettre au cerveau d’évoluer de manière optimale pour déployer toutes ses facultés affectives (vécus et expression des émotions, sentiments, capacité relationnelle) et intellectuelles (mémoire, apprentissage, réflexion).
Durant les premières années de la vie, le cerveau est très vulnérable : les relations des parents et de l’entourage avec l’enfant ont des effets profonds sur les structures et les circuits cérébraux, sur le développement global de son cerveau, qui n’atteindra sa maturité qu’à la fin de l’adolescence. Ces relations retentiront ainsi de façon déterminante sur le comportement social et cognitif de l’enfant, notamment sa capacité à surmonter le stress, à vivre ses émotions et à exprimer son affectivité.
La particularité du cerveau de l’enfant est d’être très  malléable, (il se modifie), très immature et très vulnérable. Durant tout son parcours de vie, les premières années d’un être humain sont les années durant lesquelles son cerveau est le plus fragile.
Tout ce que va vivre l’enfant , toutes ses expériences affectives, relationnelles  vont s’imprégner au plus profond de lui, dans son cerveau, modifiant , modelant, ses neurones , ses circuits cérébraux, ses molécules cérébrales, ses structures cérébrales et même l’expression de certains gènes.
Quand l’enfant a la chance d’avoir autour de lui des adultes attentifs, bienveillants, aimants, empathiques, l’enfant va se développer au maximum de ses possibilités aussi bien au niveau intellectuel qu’affectif.
A contrario, quand l’enfant est entouré d’adultes durs, rigides, non empathiques, les conséquences se feront sentir sur sa santé physique, psychologique ( anxiété, dépression, agressivité) et sur son intellect.
Un autre point important à connaître est de savoir que le cerveau de l’enfantextrêmement immature explique que l’enfant n’est pas encore capable de faire face à ses  émotions.
Par exemple, nombre d’adultes se plaignent que leur enfant de trois ans fait des caprices, des colères, hurle,  a des cauchemars, ne veut pas dormir seul etc……. Mais c’est normal à cet âge ! La partie du cortex qui contrôle nos impulsions ne commence à mûrir qu’entre 5 et 7 ans. En dessous de 5 ans, le cerveau archaïque et émotionnel domine et l’enfant se contrôle difficilement : il tempête pour obtenir ce qu’il aime, de même qu’il est traversé par des peurs incontrôlées, de véritables angoisses et de très grands chagrins. Il ne s’agit ni de caprices, ni d’un trouble pathologique du développement mais la conséquence d’une immaturité  de son cerveau……
Nous adultes nous avons dans notre cerveau une structure très complexe, le cortex préfrontal, qui nous permet quand nous sommes envahis d’émotions désagréables, d’analyser la situation, d’y réfléchir, de prendre du recul, de réaliser que nous pouvons agir autrement.
Le cortex préfrontal chez l’enfant n’est pas du tout mature, les circuits qui relient ce cortex avec le cerveau émotionnel ne sont pas encore bien fonctionnels. Son cerveau émotionnel et archaïque sont dominants. C’est pourquoi l’enfant va réagir impulsivement soit en attaquant soit en fuyant, c’est le cerveau archaïque. L’enfant petit reçoit les émotions de plein fouet, sans filtre, sans possibilité de s’apaiser seul. Quand il est en colère, quand il est triste, angoissé, a peur, ses émotions sont extrêmement intenses, sans avoir la capacité de s’apaiser, de se consoler seul. Il ne peut pas. Quand l’entourage ne console pas l’enfant, il est en proie a des molécules de stress (cortisol, adrénaline…) très toxique pour son cerveau en développement.
Un comportement affectueux a un impact positif considérable sur la maturation des lobes frontaux de l’enfant. Il parviendra alors plus rapidement  à gérer  les émotions  envahissantes et les impulsions de son cerveau émotionnel et archaïque. Ce moment de la vie de l’enfant où il est soumis à de véritables tempêtes émotionnelles ne durera pas si les adultes apaisent l’enfant au lieu de le réprimander plus ou moins violemment, en le menaçant, en criant, en s’énervant, en punissant ou en  frappant. Chaque fois que l’adulte rassure, sécurise, console, câline l’enfant, a une attitude douce, chaleureuse, un ton de voix calme, apaisant, un regard compréhensif, il aide l’enfant à faire face à ses émotions et à ses impulsions.
Etre empathique, aimant ne veut pas dire céder à toutes ses envies, à toutes ses impulsions. Dire non, lui transmettre des valeurs, lui donner des limites passent d’abord par notre attitude. Nous sommes un modèle pour lui. Les limites seront données avec calme et douceur sans jamais lui faire peur.
La peur, le stress sont très néfaste pour son cerveau immature. La structure cérébrale qui apaise la peur n’est pas encore développée chez l’enfant. Nous adultes, avons les structures cérébrales qui nous permettent de faire face aux peurs et de pouvoir calmer notre amygdale cérébrale, centre de la peur. L’enfant lui ne peut pas calmer son amygdale cérébrale. La peur est donc très nocive durant les premières années de vie.
Le stress quand il est intense détruit des neurones dans de nombreuses parties du cerveau……Les paroles utilisant le chantage, les menaces, les paroles dévalorisantes, les gestes brusques ou brutaux : pousser l’enfant, le tirer, ou le frapper , faire peur à l’enfant en criant, faisant  les gros yeux.  Toutes ces attitudes  provoquent un stress très important très préjudiciable pour le cerveau de l’enfant. : l’enfant devient anxieux, déprimé, triste …….
Quand l’enfant est stressé son organisme sécrète de l’adrénaline, du cortisol, molécules qui en quantité modérée ne sont pas nocives mais qui  deviennent très toxiques quand leur sécrétion est fréquente et abondante. Lors de stress important, chronique  le cortisol  peut détruire les neurones dans des structures cérébrales très importantes (cortex frontal, hippocampe, amygdale, cervelet, corps calleux).
La peur empêche de penser et d’apprendre.
Apprendre est essentiel pour un enfant. Il a soif d’apprendre, de découvrir, de comprendre. Plus l’apprentissage baigne  dans une atmosphère soutenante et encourageante pour l’enfant, meilleures seront sa mémorisation et sa compréhension. Le stress qui règne dans une classe, la peur du regard des autres ou  de paraître nul devant le professeur  et les camarades de classe, peuvent sont contre performants et altèrent l’apprentissage.
Le stress subi par l’enfant quand il étudie peut diminuer le nombre de neurones dans l’hippocampe, (structure dévolue à la mémoire et à l’apprentissage) voire même les détruire.
Quand les enseignants intègrent ces connaissances sur les effets délétères du stress sur le cerveau de l’enfant, ils modifient leur manière d’enseigner et  les enfants ne subissent plus de pression inutile. L’ambiance dans la classe devient agréable aussi bien pour l’enseignant que pour les enfants. Ils sont alors disponibles pour apprendre et les résultats s’améliorent.
En effet, que se passe-t-il au niveau de l’hippocampe quand les professeurs pressurisent leurs élèves, ont des paroles négatives, blessantes, humiliantes ? : « Tu ne comprends rien, tu es vraiment nul, tu es en dessous de tout !! » Que se passe-t-il quand les parents, de même, mettent de la pression, s’énervent, crient par exemple, lors des devoirs le soir à la maison ? : «  Tu n’apprendras donc jamais rien ! Tu es un bon à rien, tu es un incapable ! Qu’est-ce-que qu’on va faire de toi plus tard ? »
Dans ces situations, les professeurs et les parents altèrent les capacités d’apprentissage, de mémorisation et de réflexion de l’enfant, à l’inverse du but recherché.
En 2012, une étude réalisée par Joan Luby, professeur de psychiatrie à l’université de Saint-Louis, montre que lorsque la mère soutient, encourage son enfant quand il est petit, son hippocampe augmente de volume.
Cette étude concerne 92 enfants et révèle  le lien entre une attitude soutenante dans la petite enfance et l’augmentation du volume de l’hippocampe entre 7 et 13 ans.
Dès que le stress est là, les circuits qui nous permettent de penser, d’apprendre, de réfléchir, de mémoriser sont perturbés voire inhibés. Plus le stress est intense, plus nous sommes dépossédés de nos facultés intellectuelles et penser clairement n’est plus possible.
C’est un cercle vicieux : quand l’enfant a peur, il apprend mal, a de mauvaises notes, est en situation d’échec. Il se sent alors nul, humilié et ne veut plus aller en classe. Les méthodes d’enseignement  bannissant totalement la peur et le stress sont beaucoup plus agréables et satisfaisantes pour le professeur mais en plus permettent aux élèves, aux  étudiants de mieux apprendre, de mieux mémoriser et d’être plus créatifs.
Le petit de l’homme a  besoin d’être entouré d’adultes empathiques qui montrent le chemin, l’élèvent dans une  ambiance chaleureuse, aimante, faite de respect et lui donnent confiance en lui-même et dans la vie.
Si dès la petite enfance, l’enfant ne rencontre sur sa route que dureté, rigidité, non respect, le développement de son cerveau  peut être  altéré, entrainant des effets  négatifs  sur ses capacités cognitives et  affectives, sur son humeur avec des manifestations anxieuses, dépressives, agressives entravant sa vie personnelle et relationnelle. La dureté physique ou psychologique durant l’enfance freine le bon développement des enfants, a des répercussions sur sa vie d’adulte en terme de santé physique et psychologique et peut laisser une empreinte sur la génération suivante.
C’est un coût très important pour la personne elle-même car elle souffre et ne s’épanouit pas  mais c’est un coût également pour toute la société qui prend en charge ses difficultés physiques et psychologiques parfois très importantes, ses difficultés d’apprentissage  et ses troubles du comportement qui peuvent conduire à des conduites d’agression, de délinquance.
Etre chaleureux avec l’enfant, lui donner confiance, l’encourager, le soutenir, avoir du respect et de la considération pour  lui n’est pas une utopie mais est au contraire tout à fait réalisable si la motivation est là.
Dr Catherine Gueguen
En savoir plus sur le dernier livre de Catherine Gueguen « Pour une enfance heureuse – Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau » : http://www.laffont.fr/site/pour_une_enfance_heureuse_&100&9782221140925.html

… un dossier Télérama: 

UNE AUTRE
ÉCOLE EST
POSSIBLE



Ils sont de plus en plus nombreux
à étudier en dehors du système scolaire
classique. Cours par correspondance
ou écoles alternatives affirment mettre
l’enfant au coeur de l’enseignement.

Serait-ce l’éducation de demain ?



On y parle des « enfants moteurs de leurs acquis », 

de ces écoles Montessori, Steiner ou Freinet, 

« qui n’ont jamais autant eu le vent en poupe »,
des interventions de Charlotte Dien, André Stern, Jean-Pierre Lepri, Antonella Verdiani, Sylvie Martin-Rodriguez…


Et Audrey Maurin, Déléguée générale de la Fespi, de déclarer 

– et nous sommes totalement en phase :
« Les système peut reprendre à son compte cette offre alternative et être ambitieux pour ses élèves » et qui en appelle à « un courage politique fort ». 
D’autant plus indispensable, selon l’historien Bruno Poucet, 
que « l’école est le lieu du vivre ensemble ».

A ne pas manquer, Télérama daté du 1er au 7 juin!

RENOUVELER L’EDUCATION

L’éducation à la Joie :
de Sri Aurobindo à l’éducation intégrale moderne.*
Antonella Verdiani

« Nous n’appartenons pas aux aurores du passé,
mais aux midis de l’avenir»
Sri Aurobindo[1]


1. Invisibilité du possible et réalité : la Joie dans la recherche – action existentielle. 
Ce texte part du constat qu’un
changement majeur est en train de se produire actuellement concernant les
paradigmes fondateurs de notre vie sur Terre, ce que le promoteur de ce livre
collectif appelle des «enjeux anthropologiques nouveaux ». « L’axe du
monde change, la pyramide s’inverse [2]» :
au cœur même de cette mutation, qui n’est pas à l’abri de ruptures violentes, mais
aussi de progrès lumineux autant qu’inattendus, l’éducation a sa place
centrale. Que nous soyons philosophes ou militants, enseignants ou parents,
notre rôle d’éducateurs est d’accompagner cette mouvance et accueillir ce qui,
de toute manière, est déjà là: une humanité naissante plus juste, solidaire,
reliée. Ma contribution à une nouvelle philosophie de l’éducation se place dans
cette prospective.
Ce
que j’écris, je l’écris à partir de mon expérience. Telle est ma posture dans
la recherche, dans l’écriture, dans la vie. Passionnée, souvent incommode, elle
est le reflet d’une nécessité constante d’être au plus près de la vérité. Une
vérité qui est la mienne, donc relative, imparfaite, mais sincère. C’est une
exigence qui me rend à la fois marginale face à l’Institution et à la fois
libre, dans une radicalité qui me rappelle parfois celle de l’Art et de la
création, domaines dans lesquels je place la recherche-action  existentielle.
Ma
vérité, mon chemin, sont pavés d’incertitude et de doutes. C’est l’incertitude
liée à la connaissance, dont nous parle Edgar Morin dans sa théorie de la complexité,
incertitude qui semble être étrangère à la culture et à l’école occidentale. Par
elle, il s’agit de reconnaître « les zones d’ombre » que la réalité a
pour nous, afin de « savoir qu’il y a du possible encore invisible dans le
réel »[3]
et de reconnaître à quel point la connaissance peut être parsemée d’erreurs et
d’illusions. Nous sommes de plus en plus à le dénoncer et nous le savons
bien : le système éducatif dominant laisse peu de place au doute et à
l’inattendu car il est bâti sur un ensemble de certitudes sociales et
économiques, telles que le succès, la performance, le modèle gagnant, la
sécurité du poste de travail, la compétition, le pouvoir… Paradigmes sur
lesquels nous avons bâti notre vision du développement et qui aujourd’hui sont
systématiquement balayés par l’ouragan de la mutation collective en cours, avec
tout ce qu’il peut provoquer de sentiments d’angoisse individuelle et
instabilité sociale. Mais, en nous inspirant de la langue chinoise qui donne au
mot de « crise » le double sens de danger et d’opportunité, nous
savons bien que ce sont ces mêmes incertitudes qui, une fois accueillies, nous
feront grandir en humanité. C’est aussi le doute qui s’empare de tout chercheur
impliqué (le doute social, le doute scientifique et le doute ontologique). Le
seul questionnement possible étant existentiel, c’est à partir de ceci que
« je (me) cherche » en tant qu’être humain d’abord et en tant que
professionnelle de l’éducation en suite.
« Un jour vient où nous ne
savons plus vraiment qui nous sommes » nous dit René Barbier[4]  « de plus en plus et de mieux en
mieux, nous apprenons à dire « je ne sais pas »(…). Dans un tel
processus, nous devenons « autre » par les autres et le monde ».
J’ai
donc fait du « je ne sais pas », la devise de départ de mon travail, dans
un processus qui n’est pas sans rappeler l’autorisation
noétique
  de Joëlle Macrez – Maurel:
« un voyage intérieur (et/ou
extérieur) durant lequel un processus interne et continu de transformation de
Soi démarre lorsque l’individu s’ouvre (suite à un flash existentiel, une prise
de conscience de son ignorance et de sa souffrance, ou à un questionnement sur
le sens de la vie) à un profond désir de changement et se confronte à
l’inconnu, rencontre des archétypes ou symboles numineux qui le touchent,
l’ébranlent et lui dévoilent le réel derrière la réalité, l’esprit derrière la
psyché, le monde ontologique derrière le monde des apparences, le monde de
l’intelligence derrière le monde de la signification.»[5]
C’est
donc par ce nouveau regard épistémologique intégrant l’existence d’autres plans
de réalité, projeté au delà et à travers les connaissances, trans disciplinaire, que j’ai commencé
à guetter « l’impossible réel » de et dans la Joie. Absolue, la quête
sur la Joie en éducation exige, tel un acte de foi, un abandon à l’existence et
à son sens caché. Pour moi la question de ma posture dans la recherche a été
des plus simples : comment rechercher, communiquer, éduquer à la Joie sans
être joyeux ? Sans, comme le disent les tibétains, entreprendre le chemin
pour aller contacter de plus près ce « fond lumineux de l’être » [6]
qui nous habite tous ? Chaque explorateur des profondeurs le sait
bien : le processus alchimique de transformation de la matière en or ne se
fait pas sans douleur.  En ce qui me concerne, c’est par l’acte de l’écriture
que j’arrive graduellement à éclaircir mes zones d’ombre. Ecrire sur la joie
devient ainsi un acte d’auto formation par excellence, s’éduquer à la Joie.
2. Suivre le fil de la Joie :
l’éducation intégrale …

* extrait de mon article paru dans Renouveler l’éducation. Ressources pour des enjeux anthropologiques nouveaux. Sous la direction de Jean-Daniel Rohart, Chronique Sociale, mars 2013  



[1] Cité
par Joshi Kireet Philosophy and yoga of Sri Aurobindo
[Philosophie et yoga de Sri Aurobindo] dans une conférence donnée à Rajendra
Bhawan, Deen Dayal Upadhayaya Marg, New Delhi, 23 novembre 1998.
[2] Milis
Marie Exercices pratiques d’autolouange
Payot, Paris, 2010. Marie Milis, professeur de mathématiques et d’éthique à
Bruxelles, enseigne et pratique l’autolouange avec ses élèves et aussi au sein
de l’association Initiations.
[3] Morin
Edgar, Les sept savoirs nécessaires à
l’éducation du futur
, Le Seuil, Paris, 2000
[4] Barbier
René, art. « À propos de la recherche en éducation » dans Journal des chercheurs, 24 septembre
2006 (http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/article.php3?id_article=651)
[5] Macrez- Maurel Joëlle, S’autoriser à cheminer vers soi :
Aurobindo, Jung, Krishnamurti
, Vega Editions, 2004
[6] Ce qui
rappelle la belle expression de Gaston Pineau : « Lointaine est
encore l’époque où la science pourra rendre compte des consciences les plus
conscientisées pour lesquelles la nuit est le fond lumineux de l’être éclairant
le jour »  in G. Pineau Produire sa
vie : autoformation et autobiographie
,
Montréal, Albert St-Martin/ Paris, 1983

L’école, telle qu’elle est aujourd’hui, elle n’est pas nécessaire….

Je tiens à apporter cette petite nuance sur l’école, (telle qu’elle est aujourd’hui) pour clarifier mes propos, pourtant très bien reflétés dans le corps de l’interview publiée dans le magazine KAIZEN (n°3 juillet-aout 2012). L’école est importante, mais elle n’est pas le seul et unique lieu d’apprentissage. Surtout dans le monde actuel qui offre des multiples occasions d’apprendre et se former, par des experiences éducatives différentes (l’école à la maison, le réseau alternatif, etc.), mais aussi via l’Internet, la télévision, bref, tout ce qui concerne l’éducation informelle. D’où le titre l’école n’est pas nécessaire…

Montessori, des beaux quartiers aux enfants pauvres de Noisy

 Depuis un an et demi, une trentaine d’enfants de Noisy-le-Grand profitent de la pédagogie Montessori. Objectif : lutter contre la reproduction de l’échec scolaire.
Mercredi matin, 10 heures. Chacun de leur côté, une liste de prénoms
dans la main, Sylvain Lestien, Morgane
Jacinto-Gavira, Agathe Henri et Yveline
Picart font du porte-à-porte parmi les bâtiments roses
de la cité du Château de France, rebaptisée par ses
habitants le « 116 », à Noisy-le-Grand [1] (Seine-Saint-Denis). Chacun
vient chercher quatre enfants,
âgés de trois à six ans, pour les emmener au « pré-pivot
» d’ATD (Agir tous pour la dignité) Quart Monde [2]. Sylvain Lestien, animateur
dans cette association, explique: « C’est comme au basket :
le pivot reçoit et relance. Le pré-pivot
prépare au pivot où on veut donner le goût de
l’art, de la peinture, de la lecture aux enfants.
» Objectif du « pré-pivot » :
proposer des activités culturelles selon la
pédagogie Montessori [3] pendant une demi-journée, deux fois
par semaine, afin d’aider l’enfant à s’adapter à
l’école. L’échec scolaire se cristallisant souvent dès
le CP, il est important que l’enfant prenne confiance
en lui en vivant des expériences positives et en réussissant
avant ses six ans.
Quatre adultes pour onze
enfants
La pédagogie Montessori,
conçue par le médecin italien éponyme [4], repose sur les
sensibilités et les
centres d’intérêt de
l’enfant qu’il faut laisser s’épanouir. L’apprentissage se fait à
son rythme et en fonction de ses
particularités, de façon à ne pas le décourager ou l’ennuyer. Il faut
conserver son enthousiasme et qu’il devienne autonome.
Cette méthode s’appuie sur son besoin de
grandir et d’apprendre. Au « pré-pivot », quatre
adultes sont présents pour onze enfants. « Il s’agit
de s’adapter au rythme de chacun afin qu’il travaille
en fonction des ses envies. Il n’y a pas de programme
prédéfini », précise Sylvain Lestien. Ces enfants sont
souvent stigmatisés à l’école parce qu’ils
parlent moins bien ou parce qu’ils sont moins habiles
de leurs mains. L’animateur ajoute : « Nous n’avons pas un
objectif d’apprentissage mais plutôt un objectif de construction de la personne. L’enfant
doit avoir l’estime de lui-même et bâtir sa
relation aux autres. Le but n’est pas d’obtenir
un diplôme mais de devenir un homme
construit, un citoyen engagé capable de prendre
des décisions. A aucun moment il ne doit se
sentir jugé, si ce n’est positivement. »
Sortir Montessori des beaux
quartiers

En 2007, des pédagogues de
l’Association Montessori France [5] ont commencé à travailler
avec ATD Quart Monde. Patricia Spinelli,
secrétaire de l’Association Montessori France et
directrice de l’Institut supérieur Maria Montessori [6], retrace : « L’idée est née en 2005,
au moment des émeutes dans les banlieues.
L’Association Montessori France a décidé
de sortir cette méthode des beaux quartiers
pour aider les jeunes. Elle a alors
contacté plusieurs associations, dont ATD Quart Monde. »
Depuis un an et demi,
l’association expérimente donc cette méthode, qui
vient en renfort de l’école,
avec une trentaine
d’enfants les mercredis et les samedis. Ils viennent tous
d’une famille défavorisée
qui a connu l’errance et
qui a été relogée dans la cité du « 116 ». Au total, ce sont une
cinquantaine de familles qui ont perdu un logement dans
le passé ou qui n’en ont jamais eu. Des foyers
blessés qui doivent se reconstruire. Dans cette cité, 120
enfants ont moins de quatorze ans. Sylvain
Lestien détaille : « La misère se transmet
souvent de génération en génération. L’école
pourrait casser cette chaine mais beaucoup
d’enfants des familles très pauvres y
sont en échec. C’est dur de travailler à l’école
quand on s’y sent mal parce qu’on a honte de
l’endroit où on habite ou honte de ses
vêtements. C’est également difficile
quand les parents ne s’y investissent pas du
tout parce que, étant jeunes, ils y ont
trop souffert ou parce qu’ils ne peuvent pas aider
leurs enfants à faire leurs devoirs. » L’objectif est de soutenir
la famille et de travailler avec elle pour le bien-être
de l’enfant. Avec une méthode utilisée majoritairement en
école privée hors contrat en France, faute de
financements par l’Etat. Cette pédagogie correspond
aux préceptes d’ATD Quart Monde qui mène des
actions culturelles en faveur des plus démunis. Pour le père Joseph Wresinski [7], fondateur de
l’association en1957, la culture était la clé pour que ces familles sortent de la misère.
Atelier couture ou pelage
de pommes
Arrivés au « pré-pivot »,
les enfants choisissent eux mêmes ce qu’ils vont faire
pendant deux heures. Du côté du coin « jeux », les
enfants ont l’embarras du choix : livres, ardoises,
jeux en bois, lettres, cubes de différentes tailles…
le but est de les préparer à l’apprentissage de
l’écriture et des mathématiques. A côté, une salle ronde
baptisée « salle de vie pratique», propose des plateaux de
vaisselle, un arrosoir… Les enfants peuvent faire
de la mousse, transvaser de l’eau d’un
récipient à un autre. Comme des grands. Nawel, 4 ans,
nettoie des chaussures à l’aide d’une brosse et de
la cire pendant que Jahnyce, 6 ans, coud. Dans la
cuisine, Obed épluche des pommes. Sylvain Lestien souligne : « A cet âge, ils ont envie d’imiter
leurs parents. Il faut qu’ils puissent le faire pour de vrai parce qu’on
apprend en faisant. Le but, c’est qu’ils soient autonomes, qu’ils prennent confiance en eux et qu’ils sentent que
les autres leur font confiance. » Une des particularités de
cette méthode est le mélange des âges. Les plus jeunes
apprennent en regardant les grands et les plus âgés
apprennent en expliquant aux plus petits.
L’enrichissement est mutuel.
« Reda commence à
s’exprimer un peu »
Pour le moment,c’est un «
projet pilote », selon Sylvain Lestien.
Les accompagnateurs et les bénévoles n’ont pas
suffisamment de recul pour s’assurer de
l’efficacité de cette méthode. « Ce qu’on permet aux enfants de
vivre dans leur petite enfance, on espère que ça
portera ses fruits dans leur vie d’adulte »,
insiste l’animateur.
Déjà des progrès sont
visibles. Morgane Jacinto-Gavira, devenue bénévole à la suite
d’un stage effectué à ATD Quart Monde, sourit : « Je vois des évolutions
chez des enfants qui s’expriment de mieux en
mieux. Il y a un petit garçon de cinq ans
qui ne prenait jamais de crayons car il n’arrivait pas à les utiliser. Maintenant, il
dessine tout seul. Il est fier de nous montrer
ses requins et ses dinosaures. » Sandrine Pereira est
responsable de la petite enfance au centre d’hébergement et
de réinsertion sociale d’ATD Quart Monde de
Noisy-le-Grand : « Nesta [le prénom a été
changé, ndlr], 5 ans, est un bon exemple. Avant,
il courait dans tous les sens. Il était
incapable de se poser. Au bout de trois semaines,
il a réussi à rester immobile pendant quinze
minutes devant des lettres rugueuses. »
Linda est la maman de Reda,
3 ans. Le petit garçon va au « pré-pivot » depuis
septembre. Elle aussi a
pu constater les progrès
faits par son fils : « Reda ne parlait pas car
il avait fait un blocage suite à la naissance de sa
petite sœur. Maintenant, il commence à
s’exprimer un peu. » 
Reste à savoir ce qui des
progrès relève de la méthode Montessori en tant que
telle, ou de l’attention apportée à ces petits. « Il
ne faut pas oublier que les enfants évoluent aussi à
l’aide de l’école et de leurs parents », rappelle Evelyne
Picart, bénévole à ATD Quart Monde depuis vingt
ans.
Liens
[1] noisylegrand.fr | Ville
de Noisy-le-Grand: Accueil | http:// bit.ly/JeLLQH
[2] atd-quartmonde.fr | http://bit.ly/jQT4CE
[3] psychologies.com | La
pédagogie Montessori, c’est quoi ? |Psychologies.com | http://bit.ly/JeLLQJ
[4] psychologies.com | Maria
Montessori | Psychologies.com | http://bit.ly/JeLNYM
[5] montessori-france.asso.fr
| L’Association Montessori de France et L’Institut
Supérieur Maria Montessori | http://bit.ly/JeLLQM
[6] montessori-france.asso.fr
| L’Association Montessori de France et L’Institut
Supérieur Maria Montessori | http://bit.ly/JeLNYQ
[7] atd-quartmonde.fr |
Joseph Wresinski (1917-1988) – Mouvement ATD (Agir Tous
pour la Dignité) Quart Monde France | http://bit.ly/JeLLQN
Article et photos de Jennifer Delrieux pour RUE89- 14/05/2012 
http://www.rue89.com/2012/05/14/montessori-des-beaux-quartiers-aux-enfants-pauvres-de-noisy
Merci à Aline PIRES, éducatrice Montessori et bénévole à ATD Quart Monde de me l’avoir transmis!

Quels enfants laisserons-nous à la planète?

Projection – débat 


avec des témoins comme 

Xavier de Galzain, professeur à l’école Rudolf Steiner, 
Caroline Sost, fondatrice et directrice de Living School, Paris, 
Antonella Verdiani, chercheuse (éducation à la paix et à la non-violence), 
Valérie Vincent, instruction en famille.

Vendredi 16 mars 

à 20h30, à la salle du Marais
Poigny la Forêt

Un temps, trois mouvements…

Le terme mouvement évoque immédiatement le corps : les articulations qui bougent, la gymnastique, le jeux, la danse, les arts martiaux et à l’école, l’éducation physique. Par rapport au corps, le mouvement (du latin movere), indique toute « action par laquelle un corps ou quelqu’une de ses parties passe d’un lieu à un autre, d’une place à une autre » et « il est successivement présent en différentes parties de l’espace. » Mais le mouvement n’est pas seulement physique ou corporel ou musical, il peut également concerner la sphère métaphysique quand il est abstraitement considéré, indépendant des causes qui le produisent et sur lequel les savants « disputèrent beaucoup pour savoir s’il est essentiel à la matière » nous dit toujours le dictionnaire. D’autres champs de la connaissance explorent ce concept, de la physiologie à la musique à la politique : ce que nous intéresse ici est la place du mouvement en pédagogie et plus en général, dans l’acte éducatif entendu comme animation, geste, déplacement et présence.

Une précision est tout d’abord nécessaire : même en éducation, le mouvement est à entendre comme une action qui sort de la sphère purement physique, mais investit aussi celle du mental et de l’esprit. On bouge des nos membres mais on fait « bouger les neurones », dit-on. Aussi, pour un chercheur spirituel, on « évolue » et on progresse avec notre esprit vers des champs de conscience de plus en plus élargis.

En général, la pédagogie et l’école considèrent surtout les deux premiers domaines, le mouvement du mental et de l’intellect, en laissant le troisième, le mouvement de cheminement de l’esprit, plus l’apanage des religions et des écoles spirituelles. Des exceptions existent que l’on peut trouver dans des pédagogies à l’approche intégrale. Dans les pédagogies de l’Ecole nouvelle par exemple, sous laquelle on pourrait inclure des pédagogues bien connus en France comme Freinet, Decroly ou Montessori, ou des moins bien connus, comme Paul Robin ou Dewey, toutes les dimensions de l’élève sont prises en considération dans une vision globale de l’être humain. D’autres écoles encore, comme celles de Rudolf Steiner, de Krishnamurti ou de Sri Aurobindo et Mère mieux connues en dehors de la France, ont donné une place importante à la spiritualité (ou au questionnement sur la spiritualité) dans leur pédagogie.

Cet article s’efforcera d’analyser les trois mouvements ci-dessus énumérés, tête/cœur, cœur /corps, corps /esprit à la lumière d’un seul temps, celui de l’acte éducatif.

Cet article, qui sera publié en parties séparées, a été écrit à l’occasion de l’atelier sur le mouvement en pédagogie qui s’est tenu à l’Université d’été de la CCIP, à l’initiative du CIRPP, le Centre d’Innovation et de Recherche en Pédagogie de la Chambre de Commerce de Paris, le 29 et 30 juin 2009 (www.universite-enseignants.ccip.fr)