Le Libre progrès

La méthode du Libre progrès (Free Progress) 


Le Libre progrès, est une méthode pédagogique considérée
aujourd’hui encore comme une des plus innovantes du point de vue de
l’expérimentation en éducation. Originalement cette pédagogie a été élaborée
sous ce nom en 1960 à l’Ashram de Pondicherry  (le SAICE, Sri Aurobindo International Center of Education) en Inde, inspirée par la consigne essentielle donnée par
la Mère, la compagne spirituelle de Sri Aurobindo: « rendre les gens heureux ». C’est à ce moment que un enseignant de l’Ashram,
élève de Mère, propose à titre d’essai un enseignement « libéré des
programmes et des examens »… L’expérience est donc baptisée Libre
progrès
 : libre parce que l’élève, en effet, est laissé libre de
s’orienter vers ses préférences propres pendant qu’il progresse vers
l’expression la plus haute de son potentiel.   
Dans le Libre progrès, l’enfant choisit ses
sujets d’études sur la base de ses centres d’intérêt et il voit l’enseignant
quand il besoin d’être guidé, conseillé sur un argument ou un autre. Ici, selon
les principes de l’éducation intégrale, l’enseignant est un « gourou »,
selon l’étymologie sanskrite qui signifie «enseignant »,
« professeur », ou « celui qui dissipe les ténèbres », dans
une position distante mais présente à la fois. Aujourd’hui le Libre progrès est encore adopté par des élèves
du supérieur de l’école de l’Ashram et, avec une adaptation au contexte
international et interculturel, dans des écoles d’Auroville. 
A l’école de l’Ashram des grandes photos de Mère et Sri Aurobindo sont affichées sur les murs des classes
et les références aux « gourous » sont extrêmement fréquentes, comme
l’affirme par exemple cette enseignante :
 « Il y a
beaucoup d’indications écrites. Ca veut dire qu’il y a des livres où la Mère a
dit exactement, ce qu’il faut faire à
l’école avec les enfants – comment enseigner. (…) Mère dit dans ces écrits que
le Libre Progrès ne veut pas dire qu’il n’y a plus de discipline ;  pour discipliner les enfants il y a des
activités. Il faut les faire. »
Dans
un entretien avec A., ancien élève et jeune enseignant du SAICE, j’ai posé la
question de l’influence de la présence de Mère qui me paraissait être encore
très forte, par la citation de ses écrits ou encore, par les témoignages de ses
anciens disciples qui sur tel ou tel sujet, rappellent ce que Mère a dit:  « Est-ce que les parents des
enfants de l’école de l’Ashram ressentent cette présence comme un besoin ou,
plutôt, comme les parents d’Auroville ils commencent à revendiquer une certaine
liberté par rapport au passé ? », A. répondait :
« Ses messages
et commentaires servent certainement de guide dans l’école de l’Ashram. Mais
peut-être que l’on pourrait examiner la question d’une perspective plus large,
plus « intégrale » ? Mère a dépensé une partie importante de ses
énergies pour enseigner, construire et guider l’école de l’Ashram pendant que
les écoles d’Auroville, par la force des choses, étaient laissées à elles mêmes
pour comprendre et mettre en œuvre le Pourquoi,
le Quoi et le Comment de l’Education intégrale.
Par ailleurs, il faut considérer les différences de culture entre Auroville et
l’Ashram (l’influence de la culture sur l’esprit de l’Ashram et d’Auroville).
L’Ashram, avec une majorité d’indiens parmi les parents, les professeurs et les
étudiants, tend vers l’évocation de la Bhakti
ou Dévotion, cela signifie que les parents ont la foi et la confiance que
leurs enfants grandiront sous l’égide de la Mère dans l’école de l’Ashram.  Il y a un élément de lâcher prise très
fort en eux. Les écoles d’Auroville, étant des organisations beaucoup plus
jeunes avec une population en provenance de pays de culture occidentale, ont
une tâche redoutable en voulant mettre en place un système d’Education
intégrale. A cela il faut ajouter la difficulté du fait que la culture
occidentale tend a rationaliser et douter de tout, ainsi la composante de
confiance de la part de parents issus de cette culture est certainement moins
forte. »


Jean, français, qui aujourd’hui enseigne à Auroville, a participé à l’Ecole du Libre Progrès (de 1969  à 1977) et connu Mère qui suivait de près cette expérience pédagogique avec des enfants de 9 – 11 ans du cours primaire. Il parle de ces années comme des plus belles de sa vie. Je lui demande de me les décrire en allant dans ses souvenirs. Ses yeux prennent un air rêveur…
« C’était vraiment passionnant ! Nous étions libres et protégés en même temps: libres de faire cette expérience avec quelques élèves de notre école, leurs parents étant eux-mêmes dans l’Ashram, donc totalement confiants dans les décisions prises par Mère. Protégés, du fait que nous étions en dehors du système scolaire public, sans contraintes de diplômes ou d’examens à donner à la fin du cursus. Il faut savoir que tous les enfants ne pouvaient pas suivre le Libres Progrès, qui était (est) destiné seuls à ceux qui étaient « près de leur être psychique » comme disait Mère. Je pense que ceci est encore vrai car il y a des élèves qui ont besoin d’être encadrés par une structure ou un système, tandis que d’autres, s’ils sont accueillis dans un environnement propice qui les fais sentir libres de s’exprimer et confiants, sont assez rapidement en mesure de reconnaître ce qui les intéresse, ils savent par quoi ils sont portés et attirés à l’école comme dans la vie. » 
Je lui demande comme savoir si un enfant est « prêt de son être psychique » ; comment fait-il pour le reconnaître ? Il me dit « ça dépend justement, de la capacité de l’enseignant de capter cet aspect dans l’enfant. Mère pouvait le faire tout de suite, moi, je me base sur mon expérience, ce que j’ai développé pendant toutes ces années. C’est donc une capacité de l’enseignant à être d’abord prêt de lui-même pour pouvoir reconnaître l’enfant qui l’est aussi. L’élève démontre en premier son potentiel, l’enseignant observe, « cueille » ce que l’enfant offre, comme dans un jeu à deux. Sri Aurobindo disait que le maître doit être avant tout un yogi, reconnaître son être intérieur et guider l’élève vers son épanouissement. C’est ce qu’on cherche à mettre en place ici, à Auroville».