Catherine Piraud-Rouet, Stéphane Martinez (illustrations)
Je ne crois pas me tromper si j’affirme que nous assistons actuellement à un véritable boom dans le domaine de la « créativité éducative », en désignant par ce terme non seulement l’inventivité dont les enseignants passionnés font preuve, depuis toujours, entre les murs de leurs classes, mais surtout le constat d’un phénomène d’ordre sociétal, totalement inédit. Car c’est d’une réappropriation citoyenne de la question éducative dont il s’agit dans nos pays «occidentaux », notamment la France en première ligne.
Le changement vers une éducation de qualité, c’est l’affaire de tous. C’est une question majeure qui nous interpelle au même titre que les enjeux écologiques ou énergétiques, qui mobilisent aujourd’hui des milliers de citoyens.
Les premiers concernés par ce phénomène sont les professionnels du secteur : ces enseignants qui, malgré le carcan du système, font le choix de rester et d’y contribuer par des solutions pédagogiques nouvelles. Mais, ce qui était impensable il y a seulement quelques années, c’est de constater la présence d’autres acteurs nouveaux dans ce paysage. Je me réfère, par exemple, à ces parents qui décident d’ouvrir des écoles alternatives au système public, des écoles ouvertes, démocratiques, coopératives, en un mot, différentes. Eux aussi sont des nouveaux « éducateurs » qui, exaspérés par l’imposition d’un seul et unique modèle porté par l’institution, s’éveillent à leur propre responsabilité et revendiquent non seulement la liberté de choix du type d’éducation (et pas uniquement d’école) pour leurs enfants, mais aussi de la pédagogie la plus adaptée.
C’est une vague déferlante qui nous transforme en militants, en acteurs de la transition, et en « tisserands », pour paraphraser le philosophe Abdennour Bidar, attelés à une œuvre commune, celle du « renouveau éducatif ». Je crois, à ce propos, que le nouveau paysage éducatif a effectivement besoin d’éducateurs formés aux pédagogies nouvelles (de cent ans !) comme Montessori ou Freinet ou Steiner, et d’autres décrites dans cet ouvrage. Mais il faudra aller de l’avant : pour sortir du domaine de l’expérimentation et souvent, hélas, du dilettantisme dans lequel certaines écoles dites « innovantes » baignent, il faut bien évidemment continuer de se valoir des nouvelles connaissances en neurosciences. Mais il faudra surtout avoir le courage d’approfondir chaque démarche pédagogique, pour qu’elle soit accompagnée par un protocole rigoureux de recherche-action et que, par exemple, les conditions de sa mise en œuvre soient observées par les yeux d’enseignants-chercheurs expérimentés. Car, comme le dit Philippe Meirieu, « les neurosciences ne feront jamais la classe ! »
C’est à ce propos que ce livre tombe à pic. Il est une bible d’informations, de données mises à jour et de références nécessaires à tous ceux qui veulent s’initier à la « question éducative » en leur rappelant les bases historiques. Mais il nous exhorte aussi à l’approfondissement, à la formation et à la recherche, à la construction de bases solides nécessaires à toute innovation dans le domaine éducatif.
Merci donc à Catherine Piraud-Rouet d’avoir rendu accessible le monde de l’éducation, auparavant réservé à des cercles d’initiés, à tous ceux « tisserands » que nous sommes. Merci aussi d’avoir donné davantage de visibilité à « ces écoles qui rendent les enfants heureux » que j’avais évoquées pour la première fois dans mon livre Ces écoles qui rendent nos enfants heureux : des initiatives pionnières comme celles de Last School en Inde, de Brockwood Park School en Angleterre, d’Altinopolis au Brésil ou de l’école Jonathan au Québec, qui méritent d’être mieux connues pour qu’on puisse continuer de s’en inspirer en France et ailleurs.