OSONS L’ENTHOUSIASME! Coaching et métier d’enseignant

Comment savoir éduquer en accompagnant, devenir celui qui sait qu’il ne sait pas ?

Quand on parle d’accompagnement en éducation, on pense tout de suite aux dispositifs pédagogiques alloués et on oublie qu’on n’a pas le même public ; les enseignants se trouvent, alors, face à plusieurs défis, notamment le repérage des besoins des élèves.

« Le coaching est le métier de l’accompagnement du dialogue entre le client et son coach » on peut lire dans une des définitions du coaching. Qu’est-ce que donc ce métier, qu’il serait mieux appeler un art, partage avec celui de l’enseignant, de l’éducateur au sens large? Qu’est ce que l’enthousiasme enfin, qui est le thème de ce sommet, vient faire là-dedans ?

Beaucoup d’éléments rapprochent, je crois, ces « artistes » qui sont les coaches et les éducateurs, et dont les compétences devraient, j’en suis plus que convaincue, se compléter dans des formations communes (les enseignants notamment en gagneraient beaucoup !). Car la véritable question pour l’enseignant est celle de savoir éduquer en accompagnant, devenir celui qui sait qu’il ne sait pas… tout en sachant !

Que dire enfin de l’enthousiasme, cette « possession » divine qui nous traverse lorsque, accompagnés par ce coach inspirant ou guidés par cet enseignant aimant, nous contactons cette partie de vérité en nous, la nôtre, celle qui nous rend si uniques et si semblables aux autres ?

C’est à ce moment que l’enthousiasme touche la joie d’apprendre, de questionner, de créer… une joie de vivre dont les enfants sont les ambassadeurs en ce monde, mais l’on oublie au fur et à mesure qu’on avance dans les diplômes et l’âge.

La bonne nouvelle est que nous avons le pouvoir de la réveiller à chaque instant si nous en faisons le choix, même à l’école.

Je vous invite donc à voir et écouter ce dialogue entre moi et Sanaâ MIKOU, coach ICF et PCC, qui a organisé en décembre 2020 le premier Sommet du coaching marocain sur le thème « Osons l’enthousiasme! » :

www.insightcoaching.ma et www.coachingnews.ma

Youtube: https: //www.youtube.com/channel/UCqViH_CUG0FTJB8KBd1lmJA/

Sacrée forêt *

La forêt qui se reflète dans l’eau du fleuve Ogooué, Gabon

Cri de détresse, d’alarme… Elle crie, la forêt, et son cri est plus haut que l’aigle qui la survole, plus profond que les racines des ses arbres. Elle dit : « pour le temps qui m’est encore donné, je vous implore, qu’on arrête de me désosser, me dépouiller, de réduire en sang mes membres, de déraciner mes troncs millénaires, détruire la couronne sacrée de ma canopée ! ». Cri de détresse, mais aussi d’éveil pour ceux qui veulent et savent prêter l’oreille. Les mêmes qui, sur la pointe des pieds, le regard tourné vers les cimes, savent écouter le silence. C’est un silence feutré, presque ouaté, rompu selon une partition musicale parfaite, par les cris des oiseux forestiers cachés dans les branches inatteignables.

On rentre dans une forêt comme on rentre dans une cathédrale. Un temple sacré dont les piliers sont les ozigos, les okoumés ou les fromagers avec leurs troncs au diamètre éléphantesque qui abritent des cités de singes et des villages d’insectes.  Mais il y a danger. Par ici, le silence est interrompu par le bruit strident des pelleteuses déracinant ces géants millénaires pour faire place aux plantations des palmes à huile. Par là, les scies mutilent le bois pour charger des camions d’essences rares destinées aux meubles des riches. Ailleurs, le feu brule la forêt et, avec elle, ce sont des siècles de l’histoire de l’humanité qui s’en vont en fumée.

Alors qu’ils pleurent, le cri des arbres est muet pour ceux qui ne savent plus comment les entendre.  Ceux qui ont perdu la connaissance des nos ancêtres, le savoir millénaire dont les anciens nous parlent. Toutes les civilisations traditionnelles, des forêts pluviales d’Amérique du Nord à l’Amazonie, des bois des régions tempérées en Europe à la canopée tropicale, toutes elles se rejoignent dans une culture commune : celle du respect et de l’observance de rituels sacrés pour honorer et remercier les dieux qui vivent dans la forêt. Ces cultures savent que la nature des humains, et donc leur équilibre et leur santé, sont intimement liés à celle des arbres, des plantes, de la mer, de l’eau des rivières, du vent…

Dans une telle connaissance de la nature, comme celle qui vit encore au Gabon et dans toute l’Afrique centrale, le contact avec la forêt est direct. Vivre dans et avec la forêt demande à nous élever, nous encourage à être nous-mêmes, ne pas être un rouage dans une machine, mais à trouver notre propre unicité. Or c’est cette unicité que l’on est en train de perdre actuellement, par un rythme de plus en plus accéléré.

Les enfants sont les premiers a en payer les conséquences : tout comme dans les pays occidentaux, nous assistons à la naissance de générations nées « hors sol » aussi en Afrique, comme ces enfants de Libreville qui n’ont jamais mis les pieds dans la forêt, pourtant si proche.

Je suis la forêt

Dans l’Arboretum de Libreville, Gabon

L’arbre est le symbole de la vie, en perpétuelle évolution. En ascension vers le ciel, il symbolise la verticalité et incarne le cycle de l’évolution cosmique : vie, mort et régénération. Mais également le cycle de la vie humaine avec ses quatre saisons : naissance, jeunesse, maturité et vieillesse.

Par lui, tous les niveaux du cosmos communiquent intimement: les entrailles de ses racines souterraines dialoguent avec la terre où son tronc s’érige vers la lumière qui nourrit ses hauteurs. L’arbre « connaît » le langage entre la terre et le ciel. En ce sens, il nous sert de « passeur » entre ces deux dimensions : c’est pour cela que par lui, dans nos cultures traditionnelles, il est considéré comme le chemin vertical par lequel transitent ceux qui passent du visible à l’invisible. 

Les arbres et la forêt ont eu une grande place dans la vie des gardiennes de la tradition. En tant que femme, je suis une forêt. Tout comme elle, je produis, je donne la vie, je nourris, je porte la charge de ma progéniture. Mais aussi je soigne et je sauve des vies grâce à ses énergies. Ma connaissance vient d’elle. Femme initiée, j’ai pu découvrir quelques uns de ses secrets que je transmets avec amour aux générations nouvelles.

Dans ma lignée de connaissance féminine, je suis la forêt. Car ce sont les femmes qui savent mieux garder et perpétuer ses secrets. En totale symbiose avec elle, si la forêt se meurt, je meurs avec. Et avec moi mourront des milliers d’êtres vivants et des êtres invisibles s’éloigneront également. Peu nombreux sont ceux qui le savent, encore moins ceux qui le croient.

La question : qui es-tu ?

Pendant le rite de passage, l’initiée est placée devant un miroir. Un dernier regard à son ancienne identité avant de renaitre à la nouvelle.

« Qui es tu ? » me demande Grande Manou, ma Grande Mère africaine pendant mon initiation. « Qui es tu? » demande la forêt. Je suis le vent, la pluie, répond l’initié… je suis celui qui comprend le langage de la nature, je suis l’animal poursuivi par le chasseur, le hibou qui chante la nuit, je suis la rivière qui coule, je suis le caméléon qui change, la fleur qui s’épanouit au soleil, le crapaud qui coasse. Je suis la corne de l’antilope qui appelle et rassemble les humains autour du feu.  

« Qui es tu ? » on demandait à Socrate. Il répondait : « je ne sais pas » en créant la surprise dans l’interlocuteur qui lui, croyait tout savoir. Le proverbe africain dit : « celui qui sait, ne parle pas » : savoir qu’on ne sait rien, se taire, ou oser dire « je ne sais pas » sont ainsi des manifestations de grande sagesse universelle. Posée par la forêt, cette question me renvoie à ma propre humilité, à mon humus intérieur.

A mon niveau, je me permets d’ouvrir les portes de la connaissance, c’est une voie vers l’éveil. La rencontre avec les ancêtres se fait dans le temple et dans la forêt : ce sont les retrouvailles avec notre propre âme. La voie de l’âme amène à l’invisible et, à son tour, le monde invisible nous conduit à nous rencontrer dans nos profondeurs.

Tout comme dans la forêt, les dimensions du souterrain, de la terre et de la lumière, se rencontrent dans ce parcours d’union et d’accueil. La forêt veille sur moi et sur nous : elle nous aime.  

  • Ce texte est ma contribution au livre (en cour de publication) de Rose Bernadette Rebienot, Grande Prêtresse Mpongwé du Djembé et du Mabanji féminin. Elle est une grande initiatrice du Bwiti Dissumba. Elle vit à Libreville, au village d’Oyenano qu’elle a elle-même créé avec sa communauté.  

POUR LA LIBERTÉ ET LA DIVERSITÉ PÉDAGOGIQUES

Au nom de la lutte contre l’islamisme radical, Emmanuel Macron a annoncé que l’instruction à domicile serait désormais « strictement limitée, notamment aux impératifs de santé. L’instruction à l’école sera rendue obligatoire. C’est une nécessité. » Le projet de loi, qui doit être examiné le 9 décembre en Conseil des Ministres, indique que « les enfants de 3 à 16 ans ne pourront plus être instruits à la maison, sauf exception soumise à l’accord de l’administration et accordée pour un an. » Nous, professionnels de l’éducation, parents d’enfants instruits à la maison, membres d’associations, sommes convaincus que l’instruction en famille doit faire partie des options possibles. Avec les différents modes d’éducation alternatifs, elle participe à la richesse et au pluralisme de la citoyenneté française. 

Liste des cosignataires : Gregory David (Responsable de la Communication, association Colibris), Ramïn Farhangi (Collectif Enfance Libre), Muriel Fifils (fondatrice de l’école Caminando, Drôme), Isabelle Peloux (fondatrice de l’École du Colibri, Drôme), Marie-Hélène Pillot (co-coordinatrice de l’association Colibris, membre du réseau « Tous Dehors France »), Sophie Rabhi-Bouquet (fondatrice de l’école la Ferme des Enfants, Ardèche), Caroline Sost (Fondatrice de l’école Living School, Paris), André Stern (auteur, conférencier), Antonella Verdiani (auteure, conférencière, fondatrice du Printemps de l’éducation)

Nous pensons que l’éducation doit permettre à l’enfant la découverte de lui-même, des autres, ainsi que des savoirs et connaissances dont il aura besoin pour s’épanouir dans la société, et pour contribuer à relever les défis du siècle. Une éducation bienveillante, respectueuse et porteuse d’autonomie. C’est une aventure dans laquelle des milliers d’enseignants, de parents et d’enfants se sont déjà lancés, aux quatre coins du territoire. Et ce, sous différentes formes : au sein de l’école publique, dans les écoles privées sous ou hors contrat, ou par l’instruction en famille.

Le courant de l’école à la maison est confidentiel en France, avec environ 50 000 enfants concernés, sur plus de douze millions. Cette pratique légale et rigoureusement encadrée par l’État, depuis la loi Jules Ferry de 1882, est largement méconnue du grand public, certainement du fait de la confusion entre « instruction obligatoire » et « scolarisation obligatoire ».

Les parents qui choisissent ce type d’instruction le font pour différents motifs. La majorité est guidée par la recherche du bien-être et de l’épanouissement de leur enfant, au travers notamment de la mise en valeur de la coopération plutôt que de la compétition ; d’une pédagogie adaptée à leur enfant en particulier ; d’une plus large place accordée à l’éducation à la nature ; du développement des savoirs manuels et de l’autonomie ; et du respect des rythmes d’apprentissage différents selon les enfants.

La grande majorité des parents pratiquant l’instruction à la maison sont attachés aux valeurs républicaines, et les transmettent à leurs enfants : principe de laïcité, respect d’autrui, tolérance… Ils accomplissent, certes différemment, leur devoir d’accompagner les enfants dans leur construction en tant que citoyens. Ils forgent aussi leur esprit critique qui, loin de nuire à leur intégration dans la société, leur donne les clés pour transformer cette dernière — et non la reproduire — vers plus de solidarité, et plus de respect du vivant.

Nous sommes convaincus de la nécessité de lutter contre l’islamisme radical, et nous participons à ce combat contre l’obscurantisme et la violence en inculquant à nos enfants des valeurs d’empathie, de liberté et de non violence. Les dérives totalitaires de certains individus, quel que soit le cadre dans lequel leurs enfants sont instruits, vont à l’encontre de ces valeurs qui nous permettent de faire société. Nous les percevons comme un danger, pour les enfants concernés au premier chef, et pour la société toute entière. Mais aujourd’hui, aucun lien n’est établi entre instruction en famille et radicalisation religieuse. D’après le Ministère de l’Éducation Nationale lui-même, dans son vademecum « Instruction dans la famille »[1] paru en octobre, « les cas d’enfants exposés à un risque de radicalisation et repérés à l’occasion du contrôle de l’instruction au domicile familial sont exceptionnels. »

En visant toutes les familles pratiquant l’instruction à domicile, au nom d’une lutte contre l’islamisme radical, l’État se trompe de cible, tout en faisant fi de leur droit à instruire leurs enfants par eux-mêmes. Nous souhaitons que cessent les préjugés et les amalgames. La France ne doit pas avoir peur des différents modes d’instruction, mais bien plutôt y voir des innovations qui peuvent nourrir le système traditionnel, et qui participent à la richesse et à la diversité de la citoyenneté française.

Nous vous invitons à signer la pétition pour le maintien du droit à l’instruction en famille, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, et dans l’intérêt de la République.


[1]  Vademecum « Instruction dans la famille », p38, Ministère de l’Éducation Nationale, octobre 2020. https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Actualites/30/6/VDM_IEF_1338306.pdf


LE KASALA, UN EXERCICE D’IMMUNO-ELEVATION POUR LA SAISON ACTUELLE

En ce moment, pour ma santé, je m’abstiens d’allumer la télé, ou d’écouter la radio (sauf des radios indépendantes), ou d’acheter des journaux. Sur Internet et les réseaux sociaux, je sélectionne soigneusement les sources (et parfois je me trompe aussi) et les informations auxquelles je veux accéder (par ailleurs, je ne suis ni sur Twitter, ni sur Instagram et je réfléchis sérieusement à partir de Facebook). Au cinéma, je ne supporte plus (au sens  physique du terme) aucune scène de violence, celle des l’actualité médiatisée me suffit, pas besoin d’en ajouter davantage.

Et lorsque de parle de « santé » je me réfère surtout à ma santé mentale, de laquelle mon équilibre psychique, psychologique et physique dépendent. Car tout est mis en œuvre pour que moi, vous et nous tous rentrions sous l’emprise de la PEUR. Une fois tombés dedans et devenus ainsi anxiogènes, stressés et carrément malades, nous devenons de plus en plus manipulables, petits et obéissants.

[Parenthèse : Je ne vais pas me lancer ici dans l’arène des commentaires sur l’actualité C*. Par contre j’ai besoin de dire que non seulement je ne suis pas convaincue de ce qu’on nous raconte, mais je me sens même révoltée par l’absence de débat contradictoire sur la question, subtilement gérée de façon à que nous soyons dépossédés de notre capacité de jugement. Et donc de notre souveraineté, de notre sens critique, notre capacité de décider, de nous faire une idée et de l’exprimer … en un mot, de notre LIBERTE’. C’est aussi le moment propice, pour les gouvernants de nos pays de sortir d’autres annonces liberticides, comme celle sur l’instruction obligatoire pour tous, à l’école et non à domicile. Une décision carrément anticonstitutionnelle, qui va contre la Convention des droits des enfants et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen (art 26) : Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants…]  

A chacun de nous, de prendre position et d’agir en conscience. Car, comme le disait  Viktor Frankl (récemment cité par mon amie Maryvonne Pietri) : « Chaque jour et à chaque instant nous avons l’opportunité de prendre une décision, une décision qui déterminera, si continuer d’être sujet aux mêmes circonstances, comme un jouet dans les mains du destin, ou si agir avec une dignité authentique en écoutant notre vrai « moi ».

Cependant pour agir, je crois que la première décision est celle de ne pas laisser la place à la peur! Il nous faut donc vite booster notre immunité non seulement par des vitamines, mais aussi par la mise en valeur de notre « souveraineté intérieure ». Comment ? Voici une recette qui nous vient directe d’Afrique centrale (où je fais des séjours fréquents) et que je pratique dans mes formations d’adultes, parents ou enseignants, pour qu’ils la pratiquent avec les enfants : le kasàlà ou autolouange.

L’autolouange que je présente ici, sous sa forme auto-panégyrique (la même qui est utilisée par Marie Milis[1] depuis des décennies, elle-même l’ayant apprise du professeur Jean Ngo Semzara Kabuta [2]) est la forme la plus puissante d’IMMUNO-ELEVATION (un antonyme de Immunodépression !) qui va nous aider à booster nos défenses car elle nous  permet de nous affirmer tels que nous sommes, d’exister : elle va révéler « la merveille que je suis».

Mais attention ! Il ne s’agit pas ici de faire un éloge égocentrique ou narcissique de soi-même ! Au contraire, à travers l’autolouange, transparaît une conception particulière de l’homme, selon laquelle il n’existe que par rapport à l’autre. C’est une pratique est universelle et nous enseigne la fierté d’être humain et d’appartenir à l’humanité. Voici comment…

Atelier de femmes animé par Jean Kabuta au Congo RDC

MODE D’EMPLOI 

« Il s’agit, nous dit Marie Milis, d’écrire un texte poétique, en toute liberté, dont la proclamation éveille l’admiration des autres […] : Ouah ! Quelle chance ai-je de connaître celui-ci ou celle-là!»

Il va s’agir d’écrire un texte en « je » et de se décrire avec authenticité, audace et amplification. Dire « je, je suis, moi… » revient à se reconnaître, à se découvrir et à s’appeler à l’existence en énonçant son propre nom. Puis, il faudra, pour le faire vivre et lui donner toute sa puissance, que ce texte soit proclamé devant des autres, condition indispensable à sa réussite.

Prenez un papier. Installez-vous dans un endroit calme, instaurez le silence autour de vous. Donnez-vous du temps : d’un minimum d’un quart d’heure à une demi-heure pour la première fois.

Choisissez une ou plusieurs de vos qualités. Ne mentez pas ; appuyez-vous sur celles qui vous distinguent, les dons que les autres vous reconnaissent, ou que vous vous reconnaissez.

Ne soyez pas modeste ! Exagérez, osez ! Si vous êtes sage, vous êtes le Bouddha ; si vous aimez l’aventure, vous êtes Ulysse ; si vous êtes courageuse, vous êtes la lionne qui défend ses petits…

Vous êtes unique! Amplifiez les images, faites appel à la mythologie, à la nature, aux astres, aux animaux, aux plantes, aux pierres et aux fleurs… laissez libre cours à la fantaisie.

Nommez des héros, mais aussi des personnes normales, de votre famille, de votre entourage, celles qui vous inspirent. Soyez poétique, soyez lyrique, allez chercher des images et des mots dans la mythologie, l’allégorie, les arts, la musique, les chansons, les poèmes, les chefs-d’œuvre. Sachez utiliser l’humour !

Si rien ne vient, amplifiez le néant, décrivez-le, le silence est fécond.

Si quelque chose que vous jugez négatif arrive, dites-le. Nommez les difficultés et amplifiez-les « jusqu’à ce qu’apparaisse au bout de votre plume ce héros que vous êtes qui a survécu à pareille agression d’un sort néfaste », dit Marie Milis.

N’ayez pas peur de vous tromper. L’erreur n’existe pas dans cette pratique ! Enfin, ayez confiance dans votre intuition, elle vous guidera dans ce chemin de descente en douceur au cœur de vous-même.

Pour nous laisser vivre l’essentiel, libérés de nos peurs et de nos freins.


[1] Marie Milis, Souviens-toi de ta noblesse, Le Grand Souffle, 2008. Par cette méthode, Marie Milis, enseignante à la retraite et formatrice, a appris à des centaines d’élèves l’art de créer des liens positifs avec eux-mêmes et avec les autres. Petit à petit, ces jeunes ont osé se regarder avec les yeux de l’émerveillement et sortir d’une logique qui les voulait prédestinés à des vies difficiles déjà tracées à l’avance. 


[2] Jean Ngo Semzara Kabuta, Atelier Kasàlà. Manuel de l’animateur, 2013, http://www.entre-vues.net/ LinkClick.aspx?fileticket=fi6LntUDVXg%3d&tabid=619. Du même auteur Le Kasàlà : une école de l’émerveillement, Jouvence, 2015.

Auroville 2020 (en préparation de 2046…)

Vue sur le Matrimandir et la forêt de la terrasse de Citadines, le jour de Pâques 2020.

Je connais (un peu) Auroville pour y avoir séjourné plusieurs fois, la dernière étant au moment de la pandémie Covid 19, entre mars en mai 2020. Invitée par le pur hasard (!) à passer cette période de confinement planétaire à l’un des endroits que je chéris le plus au monde, celui où je viens me ressourcer l’âme et l’esprit, j’ai découvert une autre Auroville.

J’ai probablement vécu ce que mon amie Débora a décrit dans son récit Auroville 2046 * d’une façon très visionnaire, comme le début de la période d’effondrement de notre civilisation, le géant Goliath de l’empire d’occident terrassé par un coup de fronde du petit David-Coronavirus. Dans ce conte , elle y décrit cette période comme celle, beaucoup plus chaotique, qui va préparer l’exode spectaculaire des habitants des villes, à la recherche d’un nouvel Art d’habiter la terre.

« Nous y voilà. Nous y sommes » nous prévenait en 2008 l’écrivaine écologiste Fred Vargas dans ce texte tout autant visionnaire,[1] que nous avons réécouté en ces jours confinés, y compris à Auroville. Oui, cette fois-ci, nous y sommes pour de vrai, je le crois aussi. Nous sommes à l’aube de celle qu’elle appelle « la Troisième Révolution » dont le programme colossal est « sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire. Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde », dit-elle. Un beau programme aussi pour la cité de l’Aurore, qui ne vise dans sa Charte fondatrice, rien d’autre que la solidarité par l’unité humaine.

Peut-être bien que l’Auroville de 2020 se prépare à devenir [2] la cité décrite par Débora en 2046, réalisation du rêve des cinquante mille habitants voulu par Mirra Alfassa, la Mère. Pour moi, le point n’est pas là. Mais il est dans la capacité que ce projet humain a d’exister tel qu’il est aujourd’hui, avec la même –inexplicable et surprenante – force qui l’a fondé en 1968 et qui fera, sans aucun doute, qu’il sera là encore en 2046 et plus. C’est une énergie qui échappe à toute logique de compréhension humaine, donnée sans doute par la force supramentale que ce projet renferme dans ses racines spirituelles, avec la certitude que oui,  un autre monde est possible et réalisable pour ceux qui le veulent.

Alors, me demandent beaucoup d’amis, comment Auroville réagit à la pandémie ? A cette période de transmutation ? Est-ce que le fait d’être au cœur d’un projet né pour expérimenter la transformation interne et externe rend les gens différents, spéciaux, plus spirituels, plus conscients? Je suis désolée de ne pas pouvoir répondre à ces propos car ces deux mois ont d’abord été pour moi une aventure intérieure. Par contre, ce que j’ai pu observer se situe dans la diversité des réactions des Auroviliens rencontrés car sur les 3000 habitants actuels, il pourrait y avoir 3000 réactions différentes.

Parce que rien n’a épargné Auroville 2020 de la foulée de questions, commentaires, réactions de peur ou comportements rebelles, hypothèses complotistes à l’appui, qui a ébranlée la planète entière.  Comme tout le monde. Et comme peut-être d’autres gens sur cette planète, j’ai l’impression que l’occasion a été aussi pour Auroville de saisir cette période comme un temps de reconnexion à soi, de recueillement intérieur. Mais aussi de reconnexion aux autres, dans les actes de solidarité que les Auroviliens ont mis en place pour venir en aide aux villages environnants (et par la même occasion, à moi-même, obligée à un confinement privilégié dans un tel endroit, Merci!).

La Troisième Révolution, celle du cœur, a besoin d’un temps d’incubation nécessaire pour que l’on se retrousse les manches et l’on puisse construire l’Auroville de 2046 partout sur cette planète : découvrir les besoins de ses voisins, devenir solidaires, manger les produits locaux, économiser l’eau, l’énergie, redonner du sens à nos actes, retourner aux fondamentaux… Un temps qui résonne avec le propos d’Auroville, de vivre la spiritualité dans la matière, « faire avec » le plomb du quotidien, du matériel, des tracas, et des problèmes de tous les jours pour le transformer en or, notre or à nous. Et puisque, comme le dit si bien Débora, rien n’est déjà plus normal dans le normal d’autrefois, à Auroville comme ailleurs « rien ne nous empêche de danser à nouveau le soir venu, ce n’est pas incompatible ».[3]


[1] Nous y voilà, nous y sommes ! http://www.yvesmichel.org/nous-y-voila-nous-y-sommes-texte-de-fred-vargas

[2] Ou pas ! Personnellement – et je ne veux pas par là ajouter de la zizanie au conflit entre les « pour » le Master plan et les « contre » des écologistes qui s ‘y opposent- je me demande comment on fera pour tenir un tel monde dans un si tout petit périmètre…

[3] Nous y voilà, nous y sommes ! Voir note 1.

* Auroville 2046 est un conte que Débora Nunes et Pressenza mettent à disposition des lecteurs en 4 langues (espagnol, portugais, français et anglais). A lire et partager.

JOIE! Atelier de danse et d’exploration de la joie en nous

Ces temps-ci, la vie nous oblige de plus en plus à faire des choix déterminants. Nous avons fait celui de la Joie, qui devient ainsi un acte d’insoumission à l’idée que la vie est souffrance. C’est donc la joie de vivre, d’être libres, la joie simple et spontanée que nous avons tous en nous, que nous vous proposons d’explorer pendant cet atelier de danse et parole. Nous vous invitons à cet atelier qui aura lieu le 2 février, fête de la chandeleur, mais aussi du dieu Pan!

Les animatrices:
Antonella Verdiani , avec un doctorat en sciences de l’éducation ayant pour titre “Éduquer à la joie”, elle donne depuis des années des formations sur ce même sujet. Son dernier livre est Renouer avec la joie de l’enfance aux éditions Eyrolles, 2017 https://antonellaverdiani.com

Régine Petit, depuis toujours passionnée par l’intelligence et la sagesse du corps “relié”, sa palette d’enseignements est riche en danse, en éveil spirituel, en lien avec la nature, la vie…

Dimanche 2 février 2020 de 14h30 à 17h30 à l’Espace Villa d’Orléans, 3 Villa d’Orléans, 75014 Paris – M°Alésia
Tarif : 30€ – inscription avant le 05 janvier 2020, 35€ après


Places limitées, inscription souhaitée par sms: 06 25 80 73 28 ou email: info@danse-ta-vie.com

Bienvenue à toutes et tous!

Les Sardines, puisque elles nagent en mer ouverte, ne connaissent pas de frontières.

J’étais absente de ce lieu virtuel car occupée à des questions réelles. Je reviens maintenant à vous avec ces quelques réflexions, poussée par les événements politiques actuels, et surtout sur l’incroyable mobilisations citoyenne qui est en train de se passer ces derniers jours dans mon pays, l’Italie, celle des 6000 Sardines.

Tout d’abord, le nom. Pourquoi les Sardines ? me demandent mes amis (en rigolant)…  Puisque je n’en suis pas à l’origine, je vais ici répéter l’explication donnée par les jeunes promoteurs qui, la veille du premier rassemblement à Bologne le 14 novembre, espéraient compter dans la place publique plein de gens (au moins 6000), serrées comme des sardines dans les boîtes, pour répondre à Salvini qui avait déclaré vouloir « libérer la région Emilia Romagne de la gauche ». La réponse a été autant surprenante que inattendue car le 14 novembre à Bologne, ce ne sont pas 6.000, mais 15.000 les personnes qui, entassées comme des sardines, ont rempli la Piazza Maggiore. Et, encore plus imprévue a été l’adhésion de la majorité des villes italiennes à l’initiative, avec des rassemblements spontanés et pacifiques de milliers de gens dans les places publiques.

Piazza Maggiore à Bologna le 14 novembre 2019

S’il est vrai que les sardines sont des poissons petits, humbles, silencieux et aussi « pauvres » (c’était parfois ce qui constituait le sobre déjeuner de mon grand-père paysan, une sardine avec du pain, sous un arbre), il faut pourtant savoir que ensemble, elles deviennent une masse qui s’érige contre qui, par l’arrogance et la force brute, veut ramener les gens à l’esclavage et l’ignorance.  En un mot, l’Italie au fascisme. Mais pas que l’Italie.

Pas de frontières en mer ouverte

« Il est clair que la pensée agace, même si celui qui pense est silencieux comme un poisson. En effet, c’est un poisson. Et en tant que poisson, il est difficile de le bloquer, car la mer le protège. Que la mer est profonde… ” récite le dernier paragraphe du manifeste des Sardines, en citant la sublime chanson « Com’è profondo il mare » du regretté Lucio Dalla, lui aussi de Bologne :-).

Oui la mer est profonde, et aussi, comme le savent tous les bateaux de migrants qui la traversent à la recherche de la liberté, en mer ouverte, en pleine mer, sous la mer, il n’y a pas de frontières visibles, sauf celles dessinées sur la carte. Et, comme les (vraies) sardines et le restant des habitants de la mer et des océans, je veux croire que les (nouvelles) sardines puissent bouger en liberté.  « Vous êtes allé trop loin de vos eaux troubles et de votre havre de sécurité, elles disent s’adressant aux populistes. Nous sommes des sardines libres, et maintenant vous nous trouverez partout. Bienvenue en pleine mer. » 

C’est par cette liberté retrouvée, celle de traverser et de se moquer des frontières inutiles dessinées par des hommes désormais incapables de nager ou de voler, ou de vivre simplement pour le bonheur de vivre, pour la beauté, la non-violence, la créativité et l’écoute, qu’il est important que les sardines dépassent les nations et se reconnaissent dans les places publiques partout sur la planète.  Car ces valeurs sont communes à l’humanité entière, et c’est bien cette humanité lasse des violations des droits humains élémentaires que l’on voit descendre aujourd’hui dans les rues à Hong Kong, Santiago, Bagdad, Alger, Khartoum, Barcelone, Athènes et ailleurs, en défiant la violence policière et en mettant leur vie en péril.

En ce qui me concerne, je serai parmi les Sardines à Paris ce 14 décembre. Sans peur, avec enthousiasme et allegria mais surtout avec l’espoir que les valeurs de non-violence et de paix, et pourquoi pas aussi de la joie de vivre et de l’innocence que je lis dans les visages de ces jeunes en Italie et des ces gens partout sur la planète, soient finalement respectées et honorées par nous tous.

Pour en savoir plus, je vous invite à vous rendre sur la page Facebook Sardine a Parigi, où vous trouverez entre autres, la charte et le manifeste traduits en français.

La Joie comme choix d’insoumission

«Éduquer c’est donner aux gens les clés du monde, qui sont l’indépendance et l’amour, c’est offrir leur la force de marcher seuls, du pas joyeux qui est le propre des hommes naturels et libres. »  José Marti

Cela fait un peu plus d’une dizaine d’années que j’ai introduit la notion de joie à coté de celle d’éduquer. J’en ai fait une thèse de doctorat, ensuite l’objet de mes formations à travers le monde, dans un premier temps adressées uniquement à des enseignants et des éducateurs au sens large, puis ouvertes à tous ceux qui osaient faire de la joie un choix de vie.

Après toutes ces années, ce qui est devenu clair en moi, est que ce choix de vie n’était en rien un acte anodin. Non, on ne choisit pas la joie comme on achète un nouveau gadget sur les étagères du marché spirituel. Non, elle ne peut pas devenir non plus l’objet de l’énième méthode de développement personnel, ou du dernier outil de pensée positive en date, encore moins d’une formule magique pour attirer le pouvoir de l’intention. Car la joie est consubstantielle, elle est en nous à notre naissance, elle ne s’invente pas, elle nous accompagne tout au long de la vie comme une partenaire parfois silencieuse, mais elle est là. Toujours et pour toujours.

Et, si vous avez l’impression que vous l’avez oubliée, soyez certains qu’elle n’a pas fait de même. C’est seulement notre perception limitée d’humains affairés et distraits qui nous donne l’impression qu’elle ait disparue à jamais, au milieu de nos vies si semblables, comme le disait Christiane Singer, à « ces chambres mortuaires où s’essoufflent nos vies corsetées dans la norme, toutes occupées à ne pas fleurir, à ne pas rayonner, à ne pas dépasser les limites du possible et de l’impossible ».[1] Faire le choix de la joie devient ainsi un acte d’insoumission (j’utilise bien « insoumission » et pas « résistance » ou « militantisme » pour me détourner également de l’héritage d’un langage guerrier, dont il est grand temps aujourd’hui de se défaire). Je ne me soumets donc plus, j’arrête de me plier au dogme d’une vie tracée à l’avance, réglée par des institutions, l’école en tête, qui n’ont pour mission que de reproduire ce système malade. ….

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[1] Préface au livre de Marie Milis, Souviens-toi de ta noblesse. La pratique de l’autolouange ou l’accouchement du cœur, Le Grand Souffle, 2008.


Oui, on a le droit!

image tirée du film Le Monde selon Tippi, 1997

« Arrête ! On n’a pas le droit ! » … combien de fois avez-vous entendu cette phrase dans la bouche des enfants ? Combien de fois, l’avez-vous prononcée à l’égard de vos propres enfants ? de vos élèves ? En ce qui me concerne, en tant que non française, la première fois que j’ai entendu le mot «  droit «  sur les lèvres d’un enfant, j’avoue avoir été surprise. Et, un jour, j’ai fini par comprendre que cette question « de droit » de l’enfant apparaît même chez les tout-petits, qui la répètent sans en connaître la signification et qui l’interprètent plutôt dans l’unique sens d’interdiction, de prohibition tout court. Mais qu’est-ce qu’un mot comme « droit » a à faire dans la bouche des enfants ?

« Droit », nous dit le dictionnaire, a plusieurs significations. Une fois la géométrie écartée (!), restent l’acception juridique (l’ensemble des lois et dispositions juridiques qui régissent la société), et celle qui nous intéresse ici : le droit en tant que « légitimité et faculté de jouir de quelque chose et d’accomplir une action ». C’est dans ce sens que, avec beaucoup de conviction, ce mot est crié aux quatre vents de façon aussi catégorique que disproportionnée.

Je précise : il est évident que nous n’avons pas le droit de sauter par la fenêtre ou de (nous) faire du mal… C’est bien dans la prévention des dangers que ce « non-droit » a toute sa légitimité. Toutefois, répétée au fil du temps, cette injonction négative se transforme inconsciemment en un « non-droit » instauré par la société entière pour ne pas sortir des rangs. Elle dégénère quand elle devient une interdiction absolue de jouir de nos droits les plus simples, les plus naturels, dans des domaines qui sont considérés comme dangereux parce que inconnus, par exemple s’aventurer en dehors des sentiers battus, explorer, oser découvrir ce qui se cache au-delà des barrières et des murs. Ces murs qui sont les nôtres, que nous construisons au fil du temps autour de nous-mêmes, pour nous protéger des autres et du monde.

Finalement, le message plus ou moins caché est qu’« on n’a pas le droit » d’oser s’émanciper de ces conventions instaurées il y a longtemps par des lois sociales, en vigueur à l’école comme dans toute institution, de s’autoriser à se tromper et d’en retirer des enseignements, de ne pas écouter qui décide pour nous, pour « notre bien » comme le disait Alice Miller.

Sans savoir comment, un jour nous nous retrouvons adultes avec tout ce qu’implique ce mot : responsabilité, travail, institution, carrière, argent, succès, réussite… des concepts qui nous étaient totalement étrangers lorsque nous étions petits et que nous nous imaginions adultes. Car lorsque nous rêvions de grandir pour devenir comme notre père, notre mère ou comme tel héros ou telle star, nous étions loin, par chance, de tout ce fatras de notions et surtout de la charge qui va avec. Ce que nous voyions, nous le regardions à travers les yeux de l’enthousiasme : tout était possible, notre imagination ne connaissait pas de limites, et ce, quel que soit notre contexte social et culturel, que nous soyons riches ou pauvres, bons ou mauvais à l’école, calmes ou hyperactifs…

Reprenons donc nos droits, à partir de ceux de notre enfance. Rééduquons- nous d’abord à les reconnaître car souvent ils s’entremêlent avec les désirs, les dons et la capacité à rêver, une autre caractéristique de l’enfance.  Oui, on a le droit !

A humanism from and for humanity

Hommage à Michel Serres

Nous sommes le 18 juin 2002, je suis (encore) fonctionnaire à l’Unesco et j’assiste aux Entretiens du XXIe siècle, sur le thème « L’éducation pour tous : toujours pour demain ? »
organisée par la Division de l’anticipation et des études prospectives. Parmi d’autres invités, il y a sur l’estrade M. Maurice Traoré, ancien ministre de l’éducation du Burkina Faso et Michel Serres qui est également membre du «Forum de réflexion ad hoc» de l‘Unesco sur la coopération intellectuelle mondiale. Le sujet du colloque est donc celui qui préoccupe l’Unesco depuis des décennies : « l’Éducation pour tous »,  plate formule qui donne lieu à des discussions interminables entre les états (car comment faire de la quantité sans qualité ? comment donner accès à une éducation de qualité pour tous ?) et entre les panélistes invités ce soir.  

En ce qui me concerne, ce qui me préoccupe déjà à l’époque, sont plus les questions de ce qu’on transmet (les contenus, les valeurs universelles) et du « comment » (par quelle vision éducative ? quelle pédagogie ?), plutôt du « combien », ce qui est lié aux chiffres de l’alphabétisation de masse… Comme si le fait de savoir lire, écrire et compter avait une quelconque influence sur l’évolution des consciences … Comme si connaître par cœur depuis l’enfance (ce que nos systèmes scolaires s’acharnent à enseigner) les dates des guerres mondiales, pouvait amener à la maturité – éthique, morale, spirituelle, bref, humaniste, de notre espèce…

Heureusement, grâce surtout à Michel Serres, le débat s’élève et se concentre vite autour de la question de la place du savoir et des savoirs dans le monde actuel, des obstacles qui nous empêchent de repenser l’éducation par les retrouvailles du sens qui lie, ce qui nous unit sans nous enfermer, dans le partage. C’est là que Michel Serres décide de présenter à l’Unesco et au public un projet de partage universel des savoirs, une idée d’un savoir commun  à l’humanité : « Il y a à peine quinze ans, disait-il, que nous savons que nous descendons tous d’un petit groupe d’émigrés d’Afrique de l’Est et que nous sommes donc tous cousins dans le monde. Enseigner cela à tous les hommes me semble bien plus important que de leur enseigner la guerre de Troie ou la grande muraille de Chine qui sont des symboles de nos oppositions. (…) Un tronc commun de savoirs réunirait, petit à petit, tous les hommes, en commençant par les étudiants, (…) et favoriserait l’avancée de la paix dans le monde. Cet humanisme universel contribuerait à créer une mondialisation pacifique». (Je vous laisse découvrir l’intégralité du texte plus bas).  

Je fais un bond sur ma chaise, c’est tout simplement magnifique ! Non seulement cela fait écho à la mission d’universalité de l’organisation pour laquelle je travaille, mais elle rejoint l’idée que un autre grand philosophe français, Edgar Morin, a esquissée dans Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur.[1] Je me surprend ainsi à rêver aux universités du monde entier qui adhérent à cette idée formidable de tronc commun,un projet propédeutique et obligatoire au début de tout cycle universitaire, inspiré par des valeurs communes à toute l’humanité. A des politiques éducatives qui s’accordent sur des notions communes, tout en respectant la mosaïque des cultures comme le disait Michel Serres… Je me délecte à imaginer un monde où ce langage commun nous amènerait à nous comprendre les uns les autres, où des mots abstraits comme la solidarité dans les connaissances partagées, ou la liberté qui surgirait de cet abattement des frontières, deviendrait finalement des faits concrets.

Mes rêveries sont vite interrompues par l’intervention de l’ex-ministre burkinabé qui, n’ayant manifestement pas compris le sens de l’idée de tronc commun, répond en manifestant le besoin urgent de « bancs, cahiers, crayons ! » dans les écoles des pays pauvres comme le sien, en opposition aux propositions philosophiques des pays riches, comme celle que nous venons d’écouter. En gros : revenez sur terre et fichez nous la paix avec vos projets sur la lune, que vous pouvez vous permettre parce que vous avez le ventre plein (applaudissements du public).

Je me souviens du silence glacial, mais surtout du manque de soutien, même humain, du soi-disant animateur sur l’estrade. Et de la grande déception de Michel Serres qui, dans un dernier effort de communication, tentait de faire comprendre qu’il ne s’agissait pas, justement, d’opposer le légitime besoin de manuels et fournitures scolaires des écoles africaines, mais de concilier les deux aspects, faire du « et… et… » en sortant de la logique guerrière du « ou… ou… » que nous apprenons depuis la maternelle. Car donner l’accès à tous à une éducation de qualité, jusqu’au niveau universitaire, là où les classes dirigeantes de tous les pays se forment, c’est possible !  

Malgré sa déception (je me souviens aussi avoir tenté de lui dire quelques paroles de confort, en vertu du fait que je le connaissais un peu pour l’avoir rencontré quelques années auparavant ), Michel Serres m’avait remis dans les mains le texte de son intervention dont je publie ci-dessous la partie finale de l’Appel (si vous désirez l’intégralité vous pouvez m’écrire via la boite « contact »). C’est un hommage à lui et à l’intelligence humaniste dont il était le représentant par excellence. 

(… et on ne sait jamais, ce projet pourrait voir le jour à l’Unesco ou ailleurs!)


J’APPELLE LES UNIVERSITÉS DU MONDE à la propagation d’un savoir commun

COMMON KNOWLEDGE – HUMANISM from et for HUMANITY

Préoccupé par les incompréhensions et les guerres entre les peuples, je pense que la mise en place d’un tronc commun de savoir (a common knowledge) qui réunirait, petit à petit, tous les hommes, en commençant par les étudiants, favoriserait l’avancée de la paix dans le monde. Cet humanisme universel contribuerait à créer une mondialisation pacifique. 

Je demande donc aux ministres de l’éducation, hélas absents, je demande aux présidents des Universités comme à tous les enseignants de bonne volonté, de vouloir bien consacrer la première année de leur enseignement à un programme commun, qui permettrait aux étudiants de toutes les disciplines d’avoir un horizon semblable de savoir et de culture ; à leur tour, ils le propageraient. Je leur suggère seulement un cadre général qu’ils moduleront librement, selon leur culture, leur langue, leur spécialité, leur bonne volonté.

Ce cadre s’inspire des considérations suivantes :

I.- Les sciences dures accèdent déjà, par le grand récit que je viens de relater, à l’universalité ; je les prends ici dans leur ensemble et selon l’évolution générale du monde que l’encyclopédie contemporaine décrit.

II.- Les cultures, quant à elles, forment une mosaïque d’une grande diversité de formes et de couleurs, à l’imitation des langues, des religions et des politiques. Le nouveau savoir humaniste assimile cet ensemble de différences.

Ce cadre se divise donc en deux parties composant ce programme commun.

PROGRAMME COMMUN pour la première année DES UNIVERSITÉS

I.- Le grand récit unitaire de toutes les sciences 

Éléments de physique et d’astrophysique : le formation de l’Univers, du Big bang au refroidissement des planètes.

Éléments de géophysique, de chimie et de biologie : de la naissance de la Terre à l’apparition de la vie et à l’évolution des espèces.

Éléments d’anthopologie générale : émergence, diffusion et préhistoire du genre humain.

Éléments d’agronomie, de médecine et passage à la culture : le rapport des hommes à la Terre, à la Vie, à l’Humanité elle-même.

II.- La mosaïque des cultures humaines

Éléments de linguistique générale ; géographie et histoire des familles de langues. Les langages de communication : leur évolution.

Éléments d’histoire des religions : polythéismes, monothéismes, panthéismes, athéismes…

Éléments de sciences politiques : les diverses sortes de gouvernements.

 Éléments d’économie : le partage des richesses dans le monde.

Chefs-d’œuvre choisis des sagesses du monde et des beaux-arts : littérature, musique, peinture, sculpture, architecture…

Sites : le patrimoine de l’humanité, selon l’UNESCO.

Au moment où la mondialisation touche les communications et, par elles, l’économie, nous, chercheurs, étudiants et enseignants, pouvons lutter à armes plus qu’égales avec elle, la compléter même ou la rendre humaine, puisque, justement, la mondialisation arriva par la science, l’étude et la recherche. Ce nouveau processus d’hominisation, nous n’en subissons pas les conséquences, nous l’avons engendré.

L’humanisme que nous voulons désormais enseigner, non enraciné dans une région déterminée du globe, mais au contraire valable à partir de l’humanité toute entière, désormais accessible et communicante, observe qu’il existe deux universalités : l’une, scientifique, déploie un grand récit, valable pour l’univers lui-même, la vie en général et annonce comment l’homme enfin émergea, de manière contingente. En raison de cette contingence, cette universalité unique laisse alors la place à la deuxième, diverse et complémentaire, en mosaïque ou en vitrail, mêlée, chinée, tigrée… multiple et chatoyante, celle des cultures humaines, plus contingente encore et mieux variée que la vie.

Ni nos décideurs ni nos concitoyens ne peuvent plus vivre en ne connaissant qu’une seule de ces universalités, ou celle, homogène, des sciences ou celle, damasquinée, des cultures. Les anciennes formes d’enseignement, moribondes, ne forment plus que des instruits incultes ou des cultivés ignorants. Le partage actuel des études en deux parties, sciences dures ou sciences sociales, ne permet ni de comprendre le monde, ni d’anticiper sur le destin des hommes, encore moins à ceux-ci d’agir sur celui-là, n’apporte donc pas le bien suprême, la paix.

Ce programme commun de connaissance commune, et commune trois fois, du côté des hommes, du monde et du savoir, contribue à créer ce que l’on pourrait enfin appeler la culture contemporaine, c’est-à-dire un humanisme venu du genre humain et adapté à ses vœux, a humanism from and for humanity.

MICHEL  SERRES

[1] Voir aussi l’article « Repenser le savoir pour réformer l’école » paru dans le Monde de l’éducation n° 360, juillet – août 2007.